Souscription d’un contrat d’assurance MRH et mandat apparent

Kathia BEULQUE
Kathia BEULQUE - Avocat associée

Source : Cass.2ème Civ., 10 novembre 2021, n°19-25.881

 

C’est ce que précise la seconde chambre civile de la Cour de cassation dans cette décision, inédite, comme suit :

 

« ….

 

Faits et procédure

 

1. Selon l’arrêt attaqué (Dijon, 17 septembre 2019), le 6 avril 2007, un contrat d’assurance habitation a été souscrit au nom de [Z] [F] auprès de la société Axa France Iard (l’assureur) représentée par M. [E], agent général (l’agent général).

 

2. L’immeuble a été l’objet de deux sinistres successifs qui ont été déclarés à l’assureur.

 

3. Après le décès de l’assurée, l’immeuble a été vendu par les héritiers à M. [T], lequel, subrogé dans les droits et actions des vendeurs contre l’assureur, s’est vu opposer par ce dernier une limitation de la garantie en application de deux stipulations contractuelles.

 

4. M. [T] a assigné l’assureur en indemnisation et l’agent général en paiement de dommages-intérêts en raison de manquements à son obligation de conseil.

 

Examen des moyens

 

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et le troisième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal, ci-après annexés

 

5. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

 

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, du pourvoi principal

 

Enoncé du moyen

 

6. M. [T] fait grief à l’arrêt de condamner l’assureur à lui payer, en deniers ou quittances, les sommes de 19 612,81 euros au titre de l’indemnité immédiate pour les deux sinistres, et 7 467,65 euros au titre de l’indemnité différée pour les deux sinistres sur présentation de factures, et 1 354,02 euros au titre des frais d’expertise, seulement, et de rejeter sa demande tendant à condamner l’assureur à réparer intégralement les deux sinistres et, tendant, en conséquence, à ce que l’assureur soit condamné au versement d’une somme de 86 241,68 euros au titre de la réparation intégrale des dommages subis à la suite des deux sinistres, outre intérêts légaux, alors :

 

« 2°/ que si une personne peut être engagée sur le fondement d’un mandat apparent, c’est à la condition que la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire soit légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs ; qu’un assureur agissant à titre professionnel n’est pas légitime à s’abstenir de vérifier que le signataire des conditions particulières d’assurance était doté d’un pouvoir régulier remis par l’assuré car il est légalement tenu de s’assurer que les clauses de ces conditions particulières ont été effectivement portées à la connaissance de l’assuré ; qu’en décidant l’inverse, au prétexte qu’à la date de conclusion du contrat d’assurance [Z] [F] était âgée, que le mandataire prétendu était sa fille et que celle-ci était l’interlocutrice habituelle de l’agent d’assurance, la cour d’appel a violé l’article 1998 du code civil ;

 

3°/ qu’il incombe au tiers qui soutient que le mandant serait engagé par la signature de son supposé mandataire de démontrer la réalité des pouvoirs qu’il invoque ; que cette preuve ne saurait résulter de la seule absence de contestation des pouvoirs par les héritiers du prétendu mandant ; qu’en relevant pourtant que « l’existence d’un mandat valablement donné par Mme [F] à Mme [G] pour signer en son nom et pour son compte le contrat litigieux n’a jamais été contestée par les autres enfants de l’assurée », la cour d’appel a violé l’article 1998 du code civil, ensemble l’ancien article 1315 de ce code ;

 

4°/ que si une personne peut être engagée sur le fondement d’un mandat apparent, c’est à la condition que la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire soit légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs ; qu’un assureur agissant à titre professionnel n’est pas légitime à s’abstenir de vérifier que le signataire des conditions particulières d’assurance était doté d’un pouvoir régulier remis par l’assuré ; que pour juger opposable la clause relative à la mise en oeuvre de mesures de prévention contre le gel, la cour d’appel a retenu que cette clause « est expressément visée en page 2 des conditions particulières » et que lesdites conditions particulières « renvoient expressément aux conditions générales, dont il est stipulé, dans une mention précédant la signature des parties, qu’un exemplaire a été remis au souscripteur » ; que, cependant, ces conditions particulières n’étaient pas opposables à l’assurée puisqu’elles avaient été signées par sa fille, dépourvue de mandat, serait-il apparent ; qu’en retenant pourtant, pour dire l’inverse, « qu’elles avaient été valablement signées par Mme [G] pour le compte de sa mère », la cour d’appel a violé l’article 1998 du code civil. »

 

Réponse de la Cour

 

7. La cour d’appel a relevé l’âge très avancé de l’assurée à la date de souscription du contrat, à savoir 102 ans, qui laissait à l’évidence augurer de difficultés pour se déplacer personnellement dans les locaux de l’agent général, le lien de filiation direct unissant l’assurée à la signataire du contrat, l’affirmation par cette dernière qu’elle agissait par ordre de sa mère, laquelle résultait sans ambiguïté de la mention « P/O » dont elle avait fait précéder sa signature, et le fait, encore confirmé à l’occasion de la survenue des sinistres en cause, qu’elle était manifestement l’interlocutrice habituelle de l’agent général.

 

8. De ces constatations et appréciations souveraines, la cour d’appel a pu déduire des circonstances autorisant l’agent général à ne pas vérifier les limites exactes des pouvoirs de la fille de [Z] [F] et sa croyance légitime en ces pouvoirs.

 

9. Dès lors, le moyen, inopérant en sa troisième branche qui s’attaque à des motifs surabondants, n’est pas fondé pour le surplus… »

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