Quid des rémunérations perçues par un salarié en sa qualité d’expert judiciaire ?

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

Est nulle la clause d’un contrat de travail obligeant le salarié à reverser à son employeur les rémunérations perçues au titre de ses expertises personnelles.

SOURCE : Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de cassation du 26 octobre 2022, n°20-17.105 (FS-B CASSATION).

Un salarié, inscrit sur la liste des Experts de la Cour d’Appel de LYON en matière d’incendie, a été recruté selon contrat à durée indéterminée du 29 octobre 2012 par une société en qualité de chargé de mission, statut cadre.

Le contrat de travail régularisé par les parties prévoyait en son article 4 bis que les rémunérations directes ou indirectes des expertises judiciaires qui seraient versées au salarié devront être intégralement reversées à l’employeur.

Il a été mis fin à ce contrat de travail le 30 juin 2014 par une rupture conventionnelle homologuée le 17 juin 2014 par la DIRECCTE.

A la suite de cette rupture conventionnelle, un état des affaires que le salarié s’était engagé à réaliser, a fait apparaitre un certain montant dû au titre des honoraires que le salarié devait reverser à son employeur ainsi que la liste du matériel repris par lui sans dédommagement.

Suite à une mise en demeure de la société adressée au salarié d’avoir à régler une somme correspondant aux affaires en cours au moment de la rupture, restée sans réponse, la société a assigné son salarié devant le Tribunal Judiciaire de VILLEFRANCHE SUR SAONE lequel s’est déclaré incompétent au profit du Conseil de Prud’hommes de ROANNE.

Le salarié a alors soutenu que l’article 4 bis de son contrat de travail était entaché de nullité.

Il va être débouté par les premiers Juges puis par un arrêt de la Cour d’Appel de LYON rendu le 12 mars 2020, qui va considérer que l’article 4 bis du contrat de travail n’encours pas la nullité dès lors que le salarié accomplissait ses missions d’expertises judiciaires pendant son temps de travail et avec les outils mis à disposition par l’employeur et qu’en outre cette clause du contrat de travail avait été librement consentie entre le salarié et son employeur en contrepartie de l’exécution des missions d’expertises judiciaires qui lui étaient confiées, missions qu’il a exercé personnellement.

Ensuite de cette décision, le salarié forme un pourvoi en cassation.

A l’appui de son pourvoi, il reproche à l’arrêt d’appel d’avoir considéré que l’article 4 bis de son contrat de travail n’était entaché d’aucune inégalité, prétendant que l’expert judiciaire doit accomplir en toute indépendance et impartialité la mission qui lui a été personnellement confiée par le Juge, ce qui implique nécessairement qu’il perçoive une rémunération propre, laquelle ne peut être reversée, s’il est salarié, à la société qui l’emploie.

Et bien lui en prit, puisqu’au visa des articles 232 et 233 du Code de Procédure Civile, la Chambre Sociale de la Haute Cour rappelant que le technicien investi de ses pouvoirs par le Juge en raison de sa qualification doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée, de sorte que pour qu’une personne morale puisse percevoir la rémunération afférente à l’expertise il faut qu’elle ait été elle-même désignée.

Or, le salarié étant personnellement inscrit sur la liste des experts de la Cour d’Appel dans la rubrique incendie, la Chambre Sociale de la Haute Cour censure l’arrêt d’appel considérant qu’est nulle la clause d’un contrat de travail par laquelle un salarié s’engage à reverser à son employeur les rémunérations qui lui ont été versées pour des missions pour lesquelles il a été expert personnellement.

Par suite, la Chambre Sociale de la Haute Cour casse et annule l’arrêt d’appel.

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