SOURCE : Arrêt de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation du 27 mai 2021, n°19-18.983 (F-D Rejet)
Un salarié détenant 1/3 des parts composant le capital social d’une SARL exploitant une entreprise de restauration, a cédé ses parts le 30 juin 2004.
Cet associé disposait d’un compte courant d’associé créditeur d’un montant de 34.695,02€ à la suite de l’acquisition de diverses marchandises pour le compte de la société.
Ce n’est que le 5 juin 2013 que l’ancien associé va demander à la société de lui rembourser le solde de son compte courant créditeur.
La société n’ayant pas procédé au règlement des sommes correspondantes, l’ancien associé l’a assignée en justice afin d’obtenir le remboursement de son compte courant par acte du 27 décembre 2016.
Sa demande va être accueillie par un arrêt de la Cour d’Appel d’Amiens, rendu le 28 mars 2019, laquelle :
– considérant que le compte courant d’associé s’analyse en un prêt à durée indéterminée par l’associé dont le remboursement peut être sollicité à tout moment, sauf stipulation statutaire contraire,
– et considérant que les qualités d’associé et de prêteur de l’associé disposant d’un compte courant sont indépendantes,
– de sorte que la cession de ses titres par un associé n’emporte pas cession de son compte courant à défaut de clause contractuelle contraire, et que l’associé cédant conserve sa qualité de créancier de la société, la créance de remboursement du compte courant ne pouvant être affecté par la prescription tant que son titulaire ne l’a pas rendu exigible en en demandant le remboursement
– et soulignant par ailleurs que la cession des parts et la perte de qualité d’associé est indépendante de la qualité de créancier de la société qui n’a donc pas pu entraîner la clôture du compte courant,
– décide que l’action en remboursement dont le délai se prescrit par 5 ans à compter de la demande de remboursement n’était pas prescrite au jour de l’introduction de l’action en justice, soit le 27 décembre 2016, la demande de remboursement remontant au 5 juin 2016.
En suite de cette décision, la société forme un pourvoi en cassation.
A l’appui de son pourvoi, la société prétend que la cession de parts sociales intervenues en 2004 avait fait perdre à l’associé sa qualité d’associé et avait entraîné la clôture du compte courant, date à partir de laquelle il fallait décompter la prescription, de sorte que celle-ci était acquise lorsqu’il avait agi en 2016.
Mais la Chambre Commerciale de la Haute Cour ne va pas suivre la société dans son argumentation.
Soulignant que le compte courant créditeur d’un associé s’analyse en un prêt consenti par l’associé à la société, et, qu’en l’absence de terme spécifié, l’avance ainsi consentie constitue un prêt à durée indéterminée dont le remboursement peut être sollicité à tout moment,
Et soulignant que les qualités d’associé et de prêteur de l’associé titulaire du compte sont indépendantes, de sorte que la cession des titres par un associé n’emporte pas cession de son compte courant ni non plus sa clôture, l’associé cédant conservant sa qualité de créancier de la société,
La Chambre Commerciale de la Haute Cour rappelle que le délai de prescription de l’action en remboursement du solde créditeur du compte courant ne courre qu’à compter du jour où l’associé cédant en demande le remboursement, ce qui le rend alors exigible.
Par suite, la Cour d’Appel en a exactement déduit que la cession de ses titres par l’associé n’avait pas eu d’incidence sur la possibilité pour celui-ci de solliciter le remboursement de son compte courant et que le délai de prescription de l’action en paiement de son solde n’avait couru qu’à compter du 5 juin 2013, date de la demande en remboursement adressée à la société, et que par suite l’action introduite le 27 décembre 2016 n’était pas prescrite.
Par suite, la Chambre Commerciale de la Haute Cour rejette le pourvoi.