Prescription de l’exécution des titres en matière de cotisations de sécurité sociale

Geneviève FERRETTI
Geneviève FERRETTI

 

 

SOURCE : Cass.2e. civ, 17 mars 2016, n° 14-21.747, n° 419 P+ B

 

Par deux arrêts rendus le même jour[1], la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation a été amenée à se prononcer et à apporter les précisions nécessaires quant à l’exécution des titres émis en matière de cotisations de sécurité sociale par des personnes morales de droit public.

 

Liminairement, il convient de préciser que la loi accorde à ces titres les effets d’un jugement, sans que pour autant ils soient des jugements.

 

Dés lors leur exécution forcée n’est pas soumise à la prescription de 10 ans de l’article L.111-4 du code des procédures civiles d’exécution[2].

 

Aux termes de ces deux arrêts, la Cour de Cassation se positionne quant à liste des titres exécutoires dressée à l’article L.113 du code précité[3] et plus particulièrement sur le 6° qui concerne « les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés, comme tels par la loi ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d’un jugement ».

 

C’est le régime des contrainte émises en matière de recouvrement des cotisations de sécurité sociale, avant l’entrée en vigueur de la réforme de la prescription civile et commerciale (Loi n°2008-561 du 17 juin 2008) qui suscite des interrogations, ayant conduit la Haute Cour a précisé les conditions d’exécution des titres émis pour le recouvrement des cotisations sociales.

 

Dans la première espèce, la caisse de mutualité sociale agricole (ci-après dénommée « la caisse ») a en 2002 fait signifier une contrainte pour obtenir paiement des cotisations dus au titre des années 2000 et 2001.

 

La caisse fait délivrer en juillet 2002 et juin 2013 deux commandements aux fins de saisie vente au débiteur, ce dernier a saisi le Juge de l’Exécution afin de voir constater la prescription de la contrainte et prononcer la nullité du commandement.

 

La cour d’appel déboute le débiteur de ses demandes, laquelle après avoir rappelé que selon les dispositions de l’article L.725-3 du code rural et de la pêche maritime, la contrainte emporte tous les effets d’un jugement.

 

En l’espèce, la Cour d’Appel relève que :

 

le débiteur n’avait pas formé opposition à la contrainte litigieuse, émise et notifiée avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription, et que dés lors, était applicable la prescription trentenaire prévue par l’article 2262 du code civil dans sa version alors en vigueur ;

 

depuis la réforme de la prescription, l’article L.111-4 du code des procédures civiles d’exécution prévoit que l’exécution des titres exécutoires, peut être poursuivie pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.

 

La cour d’appel d’en déduire qu’il convient de faire application de l’article 2222 du code civil[4] qui prévoit qu’en cas de réduction de la durée du délai de prescription et lorsque le premier délai n’est pas expiré, le nouveau délai prévu par la loi nouvelle court à compter du jour d’entrée en vigueur de cette loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

 

En l’espèce, pour la Cour d’Appel la prescription trentenaire, a commencé à courir le 27 juin 2002 (date de la contrainte) et n’était pas acquise le 17 juin 2008 (date de la réforme de la prescription), de sorte qu’un nouveau délai de 10 ans avait commencé à courir à cette date, et que par voie de conséquence, le commandement aux fins de saisie vente signifié le 18 juin 2013 est valable.

 

Sur le pourvoi formé par le débiteur, la Cour de Cassation censure la Cour d’appel.

 

Pour la Haute Cour, l’exécution de la contrainte ne constitue pas l’un des titres mentionnés aux 1° à 3° de l’article L.11-3 susvisé, mais est soumise, eu égard à la nature de sa créance, à la prescription de trois ans prévue par l’article L.725-7 du code rural et de la pêche maritime susvisé, de sorte que la contrainte est soumise à cette dernière prescription applicable à compter du 19 juin 2008, date d’entrée en vigueur de la loir du 17 juin 2008.

 

Cet argument ne pouvait qu’emporter la conviction des juges de la deuxième chambre civile qui, au visa des textes susvisés cassent, avec renvoi, l’arrêt d’appel en toutes ses dispositions.

 

Geneviève FERRETTI

Vivaldi-Avocats

 


[1] Cass.2e. civ, 17mars 2016, n° 14-22.575, n° 420 P+ B

[2] L.111-4 CPCE : » L’exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.
Le délai mentionné à l’
article 2232 du code civil n’est pas applicable dans le cas prévu au premier alinéa. »

[3] L.111-3 CPCE : » Seuls constituent des titres exécutoires :

1° Les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif lorsqu’elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire ;

2° Les actes et les jugements étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires par une décision non susceptible d’un recours suspensif d’exécution, sans préjudice des dispositions du droit de l’Union européenne applicables ;

3° Les extraits de procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ;

4° Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ;

5° Le titre délivré par l’huissier de justice en cas de non-paiement d’un chèque ou en cas d’homologation de l’accord entre le créancier et le débiteur dans les conditions prévues à l’ article 1244-4 du code civil ;

6° Les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d’un jugement. »

 

[4] Article 2222 C.C. : « La loi qui allonge la durée d’une prescription ou d’un délai de forclusion est sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise. Elle s’applique lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n’était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé. En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. »

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