Le trouble de voisinage même en risque justifie l’indemnisation

Equipe VIVALDI
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Source : Cass. Civ. III, 24 octobre 2019 n° 18-20.720 – Publié au bulletin

 

Un Maître d’ouvrage a fait procéder à la réalisation de travaux de terrassement et d’une plateforme composée de terre sur une parcelle lui appartenant afin d’y construire son habitation principale.

 

Cette parcelle, en pente, se situe au-dessus de la propriété d’une SCI sur laquelle est construit un immeuble à usage d’habitation.

 

Eu égard au risque de glissement de terrain, la SCI a sollicité l’organisation d’une mesure d’instruction au contradictoire du Maître d’ouvrage voisin.

 

Suite au dépôt du rapport de l’Expert, la SCI a sollicité la condamnation du Maître d’ouvrage sur le fondement, à titre subsidiaire, du trouble anormal de voisinage aux fins de réalisation des travaux nécessaires pour faire cesser les troubles subis.

 

Le Tribunal de Grande Instance a jugé que les risques de déstabilisation des remblais d’ouvrage de plateforme constituaient pour le fonds voisin appartenant à la SCI un trouble de voisinage engageant en conséquence la responsabilité du Maître d’ouvrage.

 

La Cour d’Appel a confirmé le Jugement en ce qu’il a notamment « constaté que l’ouvrage de soutènement se révèle aux termes de l’expertise judiciaire parfaitement insuffisant à long et moyen terme et ne garantit pas les fonds voisins des risques d’éboulement et de ruissellement pour être affecté de vices de construction et de fondation qui relèvent de manquement aux règles de l’art applicable dans la réalisation de mur de soutènement » caractérisant un trouble anormal de voisinage et engageant la responsabilité du Maître d’ouvrage à l’égard de la SCI.

 

Un pourvoi en cassation a été formé par le Maître d’ouvrage.

 

Selon ce dernier, la situation en présence ne permet pas de démontrer avec certitude l’effondrement ou le caractère inéluctable de celui-ci.

 

Le Maître d’ouvrage soutenait donc que la situation en présence n’était génératrice que d’un trouble en raison d’un simple risque de précarité du mur de soutènement.

 

Dans ces conditions, sa responsabilité devait être écartée au visa de l’ancien article 1382 du Code Civil.

 

La Cour de Cassation a néanmoins entendu rejeter le pourvoi formé rappelant les conclusions de l’Expert judiciaire selon lesquelles le mur de soutènement construit par le Maître d’ouvrage était affecté de défauts importants compromettant au regard de la nature du sol et de son caractère pentu sa stabilité à moyen ou long terme et présentait donc un risque d’effondrement.

 

L’ouvrage ne garantissait donc pas la disparition des périls menaçants le fond de la SCI mais les aggravait.

 

La Haute juridiction ajoutant que le risque d’effondrement et le défaut manifeste de mise en œuvre d’un ouvrage de gros œuvre excédent les inconvénients normaux de voisinage justifiant ainsi la condamnation du Maître d’ouvrage.

 

Pour rappel, et dans le cadre de l’application de la théorie des troubles anormaux du voisinage, le Maître d’ouvrage est tenu de réparer les dommages causés aux fonds voisins même si les travaux ont été effectués par un tiers et qu’il n’a commis aucune faute.

 

Néanmoins, et de jurisprudence constante, encore faut-il que la preuve du trouble soit rapportée.

 

Or dans les faits, le préjudice ne s’est pas réalisé et il n’est pas démontré qu’il se réalisera un jour.

 

Néanmoins, eu égard aux dangers et aux risques non négligeables que représente l’opération de construction entreprise par le Maître d’ouvrage, la Cour de Cassation a caractérisé l’existence d’un trouble anormal de voisinage.

 

Le risque d’effondrement à plus ou moins long terme est donc indemnisable selon la haute juridiction.

 

Les Maîtres d’ouvrage et constructeurs devront donc être particulièrement vigilants dès lors qu’au-delà du fait que le trouble futur est réparable, le risque de trouble l’est dorénavant également.

 

Marion MABRIEZ

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