Le principe de non immixtion de l’administration fiscale dans les décisions de gestion des entreprises est renforcé

Caroline DEVE
Caroline DEVE - Avocat

 

Source : CE 13/07/2016, n°375801 publié au recueil Lebon

 

Si l’administration fiscale dispose d’un pouvoir de contrôle sur les déclarations souscrites par les entreprises, ce contrôle ne lui permet pas de juger de l’opportunité des décisions de gestion prises par les contribuables.

 

Ainsi, une perte constatée par une entreprise est valablement déductible même si la décision à l’origine de la perte n’était pas pertinente.

 

Tant que la décision de gestion est normale au regard de l’activité de l’entreprise, elle ne peut être remise en cause.

 

L’administration fiscale peut en revanche sanctionner un acte anormal de gestion.

 

En l’espèce, une banque a consenti d’importants concours financiers à une société qui était en difficulté de sorte qu’elle a constitué des provisions pour risque de non recouvrement de ces créances.

 

L’administration fiscale a réintégré dans le résultat de la banque une partie des provisions au motif qu’elle n’avait pas agi dans le cadre d’une gestion commerciale normale.

 

Le Conseil d’Etat, saisi du litige, profite de cette espèce pour effectuer un revirement de jurisprudence.

 

Jusqu’à présent, il acceptait que l’administration fiscale puisse remettre en cause une décision de gestion si celle-ci présentait un risque manifestement excessif qu’un chef d’entreprise ne peut, dans une situation normale, accepter de prendre pour améliorer le résultat de l’entreprise[1].

 

Dans l’arrêt commenté, le Conseil d’Etat reprend le considérant des précédentes espèces : « c’est au regard du seul intérêt propre de l’entreprise que l’administration doit apprécier si les opérations litigieuses correspondent à des actes relevant d’une gestion commerciale normale ». Néanmoins, il ajoute désormais « il n’appartient pas à l’administration, dans ce cadre, de se prononcer sur l’opportunité des choix de gestion opérés par l’entreprise et notamment pas sur l’ampleur des risques pris par elle pour améliorer ses résultats ».

 

La seule exception désormais est le cas des détournements de fonds rendus possible par le comportement délibéré ou la carence manifeste des dirigeants.

 

Ainsi, le Conseil d’Etat annule l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel qui « s’est bornée à relever que l’ensemble des circonstance de l’espèce devait être regardée comme révélant une prise de risque inconsidéré de la banque alors qu’il lui appartenait seulement de rechercher si les décisions en cause étaient conformes à l’intérêt de l’entreprise, sans qu’il y ait lieu de s’interroger sur l’ampleur des risques pris ».

 

En l’espèce, l’octroi de crédits entrait bien dans l’objet social de la banque de sorte que l’administration fiscale ne pouvait remettre en cause la décision d’accorder à un client un concours financiers.

 

Cette position doit être saluée. Elle évitera des nombreuses discussions entre l’administration et les contribuables.

 

Caroline DEVE

Vivaldi-Avocats



[1] Voir notamment CE 27/04/2011 n°327764

 

 

 

 

 

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