Source : Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 31 mars 2021, 19-12.057
Dans le silence des statuts, le lieu de réunion est fixé par l’auteur de la convocation. En effet il n’existe pas d’obligation légale de convoquer une assemblée générale impérativement au lieu de son siège social, cependant cette libre convocation reste encadrée par le droit des associés de participer aux décisions collectives.
Que ce soit par les dispositions de droit commun des sociétés, ou par le droit spécial des SARL, le législateur prévoit le droit de chaque associé de participer aux décisions collectives de la société.
Prévu à l’article 1844 du Code Civil : « Tout associé a le droit de participer aux décisions collectives », et cette disposition étant d’ordre public, toute clause contraire sera réputée non écrite.
Repris pour les SARL à l’article L223-28 du Code de commerce : « Chaque associé à droit de participer aux décisions et dispose d’un nombre de voix égal à celui des parts sociales qu’il possède».
Sans précisions statutaires supplémentaires, l’auteur d’une convocation n’est pas restreint pour le lieu de réunion de l’assemblée générale sauf à caractériser un abus de droit.
C’est en ce sens que s’est positionné les juges du Quai de l’horloge dans le présent arrêt :
« 5. Dans le silence des statuts, le lieu de réunion des assemblées générales d’une société à responsabilité limitée est fixé par l’auteur de la convocation, cette décision ne pouvant être remise en cause que si elle constitue un abus de droit. »
Quid pour une société Guadeloupéenne, de la convocation d’une AG qui doit se tenir à PARIS
Constitue-t-elle un abus de droit permettant d’annuler ladite assemblée ?
Dans cette affaire, deux frères, associés et cogérants d’une SARL ont eu à débattre de cette question. Le gérant majoritaire a convoqué son frère à une assemblée se tenant à Paris, aux fins de procéder à la révocation de ce dernier, et s’accorder à lui-même, une prime exceptionnelle.
L’associé minoritaire, désormais révoqué de son mandat, a assigné la société et son frère, principalement pour faire annuler l’assemblée générale, et le rétablir dans ses fonctions. Il faisait état d’une convocation précipitée, et pour la première fois dans un lieu différent du siège social, démarche ayant pour seul objectif, selon lui, de l’évincer de la société.
Dans cet arrêt ayant reçu les honneurs de la publication au bulletin, la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour d’Appel de Basse Terre du 12 Novembre 2018 considérant :
« eu égard aux développements ci-dessus, il n’apparaît pas que le lieu des assemblées générales a été choisi dans le but de gêner la participation de M. R… Y… à ces assemblées générales ; qu’il se déduit de l’ensemble de ces éléments que le délai et le lieu de convocation de M. R… Y… aux assemblées générales n’étaient ni irréguliers, ni abusifs » ;
En effet il ressort des pièces du dossier que l’associé minoritaire :*
–ne démontre pas l’obligation prévue par les statuts de réunir les AG au siège social,
— avait informé son frère de sa présence dans la Capital pendant une semaine. Sa présence en métropole permettait donc l’organisation d’une assemblée générale.
–N’a pas fait savoir qu’il était indisponible durant ladite semaine, et précisément le jour de l’AG. En effet, bien qu’ayant prévenu son frère de sa courte hospitalisation, objet de son séjour Parisien, il ne justifie nullement de ladite hospitalisation ; les certificats médicaux d’examens post-opération n’attestant pas de l’effectivité du séjour, et notamment le jour de l’AG,
ne peut reprocher la brièveté de la convocation de l’AG à Paris pour une société guadeloupéenne eu égard à la présence de l’intégralité des associés dans la capitale durant la période relative à la tenue de l’AG.
La Haute Cour a considéré dès lors, que le demandeur ne pouvait qu’être débouté du plus fort de sa demande puisque défaillant à démontrer l’intention de son frère de faire échec à sa présence et de lui nuire.
« En déduisant de ces seules constatations et appréciations, procédant de l’exercice de son pouvoir souverain, que la demande d’annulation de l’assemblée générale fondée sur sa tenue en métropole n’était pas justifiée, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ».
En conclusion, les juges du quai de l’horloge ont considéré le demandeur comme défaillant à démontrer que le gérant auteur de la convocation a sciemment voulu l’empêcher d’assister à cette assemblée générale. Ainsi, sans dispositions statutaires complémentaires, le lieu de la réunion est laissé au libre choix de l’auteur de la convocation, sauf à caractériser un abus de droit.
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