Le bailleur peut être pénalement responsable des constructions du preneur réalisées sans permis de construire.

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : Cass crim, 24 octobre 2017, n°16-87178, Publié au Bulletin

 

Le propriétaire d’un terrain est responsable du respect, sur son fonds, de la règlementation en matière d’urbanisme, et s’il ne saurait en principe être condamné pénalement au titre de l’exécution de travaux litigieux entrepris par son locataire, en l’absence de fait personnel de sa part[1], sa responsabilité pénale peut néanmoins être retenue en sa qualité de bénéficiaire des travaux aux termes de l’article L480-4 al 2 du Code de l’urbanisme.

 

C’est ainsi qu’un propriétaire peut être condamné lorsqu’il donne son accord à la réalisation de travaux dont il sait que la demande de permis de construire à été refusée[2], lorsque l’objet du bail fait présumer qu’il a permis les travaux litigieux ou en a tiré profit[3], ou encore lorsque le propriétaire du terrain refuse d’indiquer le nom de ses locataires, ainsi que de produire les baux, et que le nombre des ouvrages illicites édifiés sur le terrain ne cesse d’augmenter[4].

 

L’arrêt du 24 octobre 2017 rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation s’inscrit dans la droite ligne de cette jurisprudence, et sanctionne l’inertie d’un bailleur informé de l’édification de constructions illicites par son preneur à bail.

 

Ce propriétaire avait en effet donné à bail de terrain nu un terrain agricole non constructible à plusieurs entreprises de travaux publics et de transport, afin qu’elles y déposent des matériaux, engins, véhicules hors d’usage, moyennant des loyers de 250 à 1.000 € par entreprise. Il résulte également de l’exposé des faits de l’arrêt que les baux autoriseraient également, sous réserve de l’accord préalable du bailleur, l’implantation de conteneurs servant de bâtiments préfabriqués.

 

Or, selon l’article L421-1 du Code de l’urbanisme, « les constructions, même ne comportant pas de fondations, doivent être précédées de la délivrance d’un permis de construire. »

 

Tel est le cas pour les conteneurs entreposés par plusieurs locataires sur le terrain, lesquels ont de surcroit édifié sur le terrain un hangar, sans formalité d’urbanisme ni autorisation du bailleur.

 

Ces entorses aux règles d’urbanisme ayant été constatées par la DREAL, par un arrêt de la Chambre correctionnelle de la Cour d’appel de FORT DE FRANCE, le propriétaire a été déclaré coupable de constructions sans permis et violation du Plan d’Occupation des Sols et condamné au paiement d’une amende et à la remise en état du terrain sous astreinte, sur le fondement de l’article L480 – 4 al 2 du Code de l’urbanisme. La Cour retenait à cet égard sa qualité de bénéficiaire des ouvrages édifiés dans le cadre des locations puisqu’il s’était abstenu de faire application de la clause résolutoire du bail pour contraindre les preneurs à respecter les règles d’urbanisme.

 

La Chambre Criminelle de la Cour de cassation, adoptant le raisonnement des premiers juges, rejette le pourvoi :

 

« Attendu qu’en statuant comme elle l’a fait, dès lors qu’elle a, d’une part, apprécié par des motifs dépourvus d’insuffisance comme de contradiction que le prévenu avait la qualité de bénéficiaire des travaux au sens de l’article L.480-4 du code de l’urbanisme et, d’autre part, démontré le caractère de constructions soumises à l’obtention d’un permis et d’aménagements prohibés par le plan d’occupation des sols la cour d’appel a justifié sa décision, (…) »

 

Il en résulte que si le propriétaire d’un terrain n’est pas responsable des constructions édifiées par son preneur, il est censé tout entreprendre aux fins de contraindre son locataire à respecter les règles d’urbanisme. A défaut, il peut engager sa responsabilité pénale.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats 


[1] Cass crim, 9 octobre 1996, n°95-85687

[2] Cass crim, 9 avril 1992, n°91-86021

[3] Cf Cass crim, 1er avril 2008, n°07-84343 : Pour un bail de stockage de véhicules qui nécessitait une autorisation préalable.

[4] Cass crim, 24 juin 2008, n°07-87730

 

 

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