L’acte de cautionnement non daté est valide

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

Source : Cass. com. 15 mai 2019, n° 17-28.875, F-PB

 

I – Rappel des textes en question

 

L’arrêt commenté a été rendu au double visa de l’article 2292 du Code civil et de l’ancien article L 341-2 du Code de la consommation (aujourd’hui l’article L 331-1). Il résulte du premier de ces textes que le cautionnement doit être exprès, et ne peut pas être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.

 

Le second prévoit que toute personne physique qui s’engage par acte sous signature privée en qualité de caution envers un créancier professionnel doit faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante :

 

«En me portant caution de X, dans la limite de la somme de couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de, je mengage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X ny satisfait pas lui-même»

 

Cette mention est exigée à peine de nullité.

 

I – L’espèce

 

Une personne physique se porte caution de deux contrats de crédit-bail mobilier conclus avec une banque. Les engagements de caution sont souscrits pour une durée de 60 et 84 mois. Assignée en exécution de ses engagements, la caution excipe de la nullité des cautionnements, pour absence de date.

 

Une cour d’appel fait droit à cette demande, aux motifs que, si la datation de l’engagement de caution n’est pas une mention prescrite à peine de nullité, elle a néanmoins une incidence sur le point de départ de la durée déterminée de l’engagement, qui doit être précisée dans la mention manuscrite selon l’article L. 331-1 du Code de la consommation (ex-article L. 341-2).

 

Or, selon les juges d’appel, aucune des clauses des cautionnements ne précise ce point de départ, ni n’indique qu’il correspondrait à la date de début du contrat cautionné (cette date ayant d’ailleurs été fixée, après la signature du contrat de crédit-bail, à la date de règlement des factures, une fois le matériel livré), et aucun élément ne permet d’établir à quelle date la caution a reproduit la mention manuscrite, de sorte qu’il n’est même pas certain qu’au moment de son engagement elle connaissait la date de début du contrat.

 

L’omission portant sur la datation des actes de cautionnement aurait ainsi nécessairement affecté la compréhension de la portée des engagements de la caution, puisqu’il n’était pas possible de déterminer le point de départ de la durée de ceux-ci.

 

La banque a saisi la Cour de cassation de la question.

 

II – Le pourvoi

 

La Cour de cassation censure ce raisonnement : l’absence de date sur l’acte de cautionnement ou dans la mention manuscrite n’est pas une cause de nullité de cet acte.

 

La nullité du cautionnement pour défaut de date pouvait-elle être obtenue sur le fondement de l’article 2292 du Code civil, ou l’ancien article L. 331-1 du Code de la consommation ? La Haute Juridiction répond par la négative.

 

Sous l’angle du Code civil, la Cour de cassation reprend une règle déjà énoncée d’abord, concernant l’étendue du cautionnement : « l’absence de date sur l’acte de cautionnement ne peut fonder une action en nullité »[1].

 

Sous l’angle du Code de la consommation, la mention d’une date n’est pas plus exigée à peine de nullité dans la mention manuscrite prescrite par le Code de la consommation pour les cautionnements souscrits par une personne physique au profit d’un créancier professionnel[2]. Seule la durée du cautionnement doit être écrite de la main de la caution.

 

Mais l’absence de mention de la date de l’acte ne privait-elle pas la mention manuscrite, relative à la durée de l’engagement, de la précision exigée par la jurisprudence ?[3] La Cour de cassation juge que l’absence d’indication de la date n’entache pas la mention manuscrite d’irrégularité : il appartient en réalité aux juges du fond d’interpréter l’acte de cautionnement pour en déterminer la date, puis la durée effective.

 

L’orthodoxie du texte consumériste est préservée, et l’efficacité du cautionnement en générale aussi.

 

[1] Cass. com. 1er février 2011, no 09-17.411

 

[2] Par exemple Cass. com. 20 septembre 2017, no 16-12.939

 

[3] Par exemple Cass. com. 13 décembre 2017 no 15-24.294, FS-PBI

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