Source : Conseil d’État, 8ème – 3ème chambres réunies, 4 juin 2019, n°418357
La société d’investissements maritimes et fonciers exerce une activité de marchand de biens et d’agence immobilière. La société a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2006, 2007 et 2008 à l’issue de laquelle l’administration fiscale, estimant que la vente par cette société, le 12 janvier 2006, d’une villa située à St-Jean-Cap-Ferrat pour un prix regardé par elle comme inférieur à sa valeur vénale constituait un acte anormal de gestion, a rehaussé ses bénéfices de l’exercice clos en 2006.
La société d’investissements maritimes et fonciers se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 16 décembre 2018 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a annulé le jugement par lequel tribunal administratif de Nice avait prononcé la décharge des impositions litigieuses et a remis à sa charge les impositions en litige.
Pour rappel, un contribuable n’est jamais obligé de tirer de la gestion d’un bien ou d’une entreprise le profit le plus élevé possible. En principe, l’exploitant est seul juge de l’opportunité de sa gestion et l’administration ne peut se substituer à lui pour apprécier ce qui aurait le mieux convenu à son entreprise.
Toutefois, ce principe de non immixtion de l’administration dans la gestion des entreprises ne s’oppose pas, selon la jurisprudence, à ce que le vérificateur rectifie les conséquences des « actes anormaux de gestion » en matière d’impôt sur les bénéfices.
D’une manière générale, l’acte anormal de gestion est celui qui met une dépense ou une perte à la charge de l’entreprise ou qui la prive d’une recette sans être justifié par les intérêts de l’exploitation commerciale.
En l’espèce, le Conseil d’Etat énonce que :
« Constitue un acte anormal de gestion l’acte par lequel une entreprise décide de s’appauvrir à des fins étrangères à son intérêt ».
Il rappelle ensuite qu’il appartient, en règle générale, à l’administration, qui n’a pas à se prononcer sur l’opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d’établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal.
En l’espèce, le Conseil d’Etat souligne que :
« Pour juger que l’administration devait être regardée comme ayant établi que la vente en litige, qui portait sur un élément du stock de la société, était intervenue dans des conditions étrangères à une gestion commerciale normale, la cour administrative d’appel s’est fondée sur la seule circonstance que la société avait consenti un prix de vente significativement inférieur à la valeur vénale du bien immobilier en cause, sans qu’elle établisse avoir bénéficié en retour d’une contrepartie. En jugeant ainsi, sans rechercher si la société, qui exerçait l’activité de marchand de biens et soutenait sans être contredite que ce prix de vente lui avait permis de réaliser à bref délai une marge commerciale de 20 %, s’était délibérément appauvrie à des fins étrangères à son intérêt en procédant à la vente, dans ces conditions, d’éléments de son actif circulant, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit. »
Le Conseil d’Etat en conclu que la société d’investissements maritimes et fonciers est fondée à demander l’annulation de l’arrêt de la Cour administrative d’appel.