Distinction entre réception tacite et réception judiciaire des travaux

Amandine Roglin

 Cass. 3e civ., 20 mars 2025, n° 23-20.475

L’article 1792-6 du Code civil établit une distinction entre la réception tacite et la réception judiciaire d’un ouvrage. Il est ainsi possible qu’un ouvrage fasse l’objet d’une réception tacite, tandis qu’une réception judiciaire peut être refusée.

Contexte de l’affaire

Dans cette affaire, un maître d’ouvrage avait entrepris la rénovation d’une bâtisse en six appartements en concluant plusieurs contrats de construction (louages d’ouvrage). Toutefois, avant l’achèvement des travaux, le chantier a été interrompu, conduisant le maître d’ouvrage à assigner les constructeurs et leurs assureurs en justice.

Refus de la réception judiciaire

Les juges du fond ont rejeté la demande de réception judiciaire en raison de nombreuses malfaçons et d’inachèvements. Ils ont relevé, sur la base d’un rapport d’expertise, des défauts majeurs : absence de sanitaires raccordés, réseau électrique inachevé, absence de chauffage, défauts de menuiseries et huisseries, ainsi que des désordres affectant la charpente, le parquet, la ventilation et les portes d’entrée. Ces éléments ont conduit la cour d’appel à conclure que les appartements et la maison ne pouvaient être considérés comme habitables et donc pas en état d’être reçus judiciairement.

Réexamen de la réception tacite

Le maître d’ouvrage a également demandé à faire reconnaître une réception tacite des travaux. La cour d’appel a rejeté cette demande, estimant qu’il n’avait pas manifesté de manière non équivoque sa volonté d’accepter l’ouvrage. Toutefois, la Cour de cassation a censuré cette analyse. Elle a reproché à la cour d’appel de ne pas avoir examiné si la prise de possession des lieux et le paiement des travaux pouvaient constituer une présomption de réception tacite.

Un enseignement juridique important

Cette décision met en lumière la différence d’application entre la réception judiciaire et la réception tacite. La première suppose que l’ouvrage soit habitable, condition qui faisait défaut ici. En revanche, la jurisprudence admet qu’une réception tacite peut être présumée lorsque le maître d’ouvrage a pris possession des lieux et réglé le coût des travaux. Ainsi, bien qu’une réception judiciaire ait été écartée, la cour d’appel devra réexaminer la question de la réception tacite. Par ailleurs, la mise hors de cause de l’assureur de responsabilité décennale des constructeurs devra également être réévaluée.

Partager cet article