Action en résiliation du bail, créanciers inscrits et redressement judiciaire du preneur

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

Source : 3ème civ, 16 mars 2017, n°15-29.206, P+B

 

En l’espèce, un preneur bénéficie d’une procédure de redressement judiciaire ouverte par jugement lui laissant, conformément aux articles L621-4 et L627-2 du Code de commerce[1], l’administration de son activité, dès lors qu’il employait moins de vingt salariés et que son chiffre d’affaires était inférieur au seuil des trois millions d’euros[2].

 

Le preneur ne s’acquittant pas des loyers et charges postérieurs à l’ouverture du redressement judiciaire, malgré la faculté qui lui est ouverte depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 18 décembre 2008, de demander la résiliation du bail sur avis conforme du mandataire judiciaire, en application des articles L. 622-13 et L. 622-14[3], le bailleur lui délivre un commandement de payer visant a clause résolutoire, et sollicite et obtient du juge des référés, la résiliation du bail.

 

Le Preneur interjette appel de l’ordonnance. Il prétend que la résiliation du bail lui est inopposable en ce que :

 

– Le commandement de payer visant la clause résolutoire n’a pas été dénoncé aux créanciers inscrits ni au mandataire judiciaire ;

 

– Le mandataire judiciaire n’a pas été appelé en cause dans le cadre de la procédure en résiliation du bail.

 

La Cour d’appel de Rennes, dont la décision est confirmée par la Cour de cassation, le déboute de ses prétentions. Plus précisément :

 

I – La dénonciation de l’action en résiliation du bail aux créanciers inscrits

 

Le preneur, rappelant les dispositions de l’article L143-2 du Code de commerce,

 

Le propriétaire qui poursuit la résiliation du bail de l’immeuble dans lequel s’exploite un fonds de commerce grevé d’inscriptions doit notifier sa demande aux créanciers antérieurement inscrits, au domicile élu par eux dans leurs inscriptions. Le jugement ne peut intervenir qu’après un mois écoulé depuis la notification.

La résiliation amiable du bail ne devient définitive qu’un mois après la notification qui en a été faite aux créanciers inscrits, aux domiciles élus.

 

considérait que faute pour le bailleur d’avoir dénoncé le commandement de payer aux créanciers inscrits, la résiliation du bail lui est inopposable.

 

Après avoir relevé que l’assignation avait était dénoncé aux créanciers inscrits, la Cour d’appel de Rennes, dont la position est approuvée par la Cour de cassation, considère que le commandement n’avait pas à être dénoncé aux créanciers inscrits.

 

En effet, aucun texte n’impose à peine d’inopposabilité de la résiliation au débiteur, une telle dénonciation. Celui-ci ne peut d’ailleurs, selon une jurisprudence constante[4], se prévaloir du non respect des dispositions de l’article L143-2, c’est-à-dire de l’absence totale de dénonciation de la procédure de résiliation judiciaire aux créanciers inscrits. Par conséquent, au-delà de l’impossibilité matérielle du bailleur d’expulser le preneur avant que ne soient purgés les droits des créanciers inscrits (puisque ceux-ci seraient en droit de demander la réintégration du preneur dans les lieux), en l’absence de tierce opposition de ces derniers, non avertis, contre la décision de résiliation, le preneur ne peut se substituer à eux, et ne peut ni s’opposer à la résiliation, ni à son expulsion.

 

II – La dénonciation de l’action en résiliation du bail et l’appel en cause du mandataire judiciaire

 

Le mandataire judiciaire est le représentant des créanciers. Il doit, lorsqu’une procédure est en cours au jour de l’ouverture d’un redressement judiciaire, être appelé en cause, selon l’article L622-23 du Code de commerce[5] :

 

« Les actions en justice et les procédures d’exécution autres que celles visées à l’article L. 622-21 sont poursuivies au cours de la période d’observation à l’encontre du débiteur, après mise en cause du mandataire judiciaire et de l’administrateur lorsqu’il a une mission d’assistance [ou de représentation][6] ou après une reprise d’instance à leur initiative. »

 

Etant rappelé que l’ouverture d’une procédure collective emporte interdiction des poursuites des créanciers aux fins de paiement d’une créance antérieure.

 

Mais aucune disposition légale ne prévoit l’intervention du mandataire dans le cadre de contentieux fondés sur des créances postérieurs au jugement d’ouverture. Le moyen du preneur, qui estimait que l’action en résiliation du bail fondée sur le non paiement de créances postérieures, supposait l’intervention forcée du mandataire judiciaire, est ainsi rejeté tant par la Cour d’appel que par la Cour de cassation.

 

Et aucune disposition légale ne prévoit non plus la dénonciation du commandement de payer au mandataire judiciaire, quand bien même représenterait-il les créanciers.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats


[1] Applicable au redressement judiciaire selon l’article L631-9 du Code de commerce

[2] Art R621-11 du Code de commerce

[3] Applicable au redressement judiciaire selon l’article L631-14 du Code de commerce

[4] 3ème civ, 20 juillet 1993, 91-21.157, Inédit ; Cass com., 16 octobre 2007, n°05-19.756, Publié au bulletin

[5] Applicable au redressement selon l’article L631-14 du Code de commerce

[6] Article L631-14 al 6

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