Assigner le bailleur en opposition à un commandement dont des causes sont injustifiées, c’est bien. Obtenir l’annulation du commandement en son entier c’est mieux…

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : 3ème civ, 1er février 2018, n°16-19037, Inédit

 

Comme nous vous l’indiquions dans un précédent article publié sur Vivaldi-chronos, l’indulgence des juridictions ne doit pas conduire les preneurs à considérer avec légèreté la réception d’un commandement de payer visant la clause résolutoire. A cet égard, il convient de rappeler que la réception d’un tel acte n’a que trois issues possibles pour le preneur :

 

Payer dans le mois ;

 

Solliciter judiciairement des délais de paiement au titre de l’article 1343-5 du Code civil, étant rappelé que l’octroi ou non de ces délais relève du pouvoir souverain de la juridiction saisie ;

 

Assigner le bailleur en opposition à commandement de payer lorsque les causes du commandement sont indues

 

L’opposition à commandement est donc une bonne initiative…mais elle n’est pas une échappatoire et ne doit être réservée qu’à la contestation de sommes indues.

 

Un preneur à bail commercial, qui contestait être redevable de la TEOM après l’avoir payée pendant 6 ans, refuse d’acquitter deux termes de loyers en invoquant la compensation légale avec ces paiements indus.

 

Le bailleur lui signifie un commandement de payer la TEOM, les deux termes de loyer et également le dépôt de garantie, visant la clause résolutoire.

 

Le preneur fait opposition en affirmant que le dépôt de garantie a été acquitté dans le cadre d’un précédent bail, que le remboursement de la TEOM n’est pas stipulé dans la convention des parties et que les loyers se compensent avec le paiement indu des TEOM.

 

Si les prétentions du preneur avaient l’apparence d’une opposition fondée qui, bien que particulièrement risquée, était susceptible de prospérer, c’était sans compter sur la défaillance du preneur dans l’administration de la preuve. Plus précisément, les premiers juges, dont la décision est confirmée par la Cour d’appel, relèvent qu’effectivement, la TEOM n’est pas due. Mais le preneur ne parvient pas à démontrer avoir payé la TEOM depuis 2007, ni le montant cumulé des remboursements.

 

Le bailleur contestant toute créance du preneur au titre du remboursement des TEOM antérieures, les juges du fond en déduisent que la créance du preneur est contestable dans son principe et son montant, et rejettent la demande de compensation légale.

 

Les termes de loyers étaient donc dus, et n’ont pas été payés dans le mois de la délivrance du commandement, entrainant la résiliation du bail.

 

L’arrêt est logiquement confirmé par la Cour de cassation :

 

« Mais attendu qu’ayant relevé que le locataire ne contestait pas ne pas s’être acquitté des deux loyers objet du commandement de payer mais invoquait la compensation avec une somme qu’il prétendait indûment versée et retenu que les bailleurs contestaient être débiteurs à l’égard du locataire, que la nature de la supposée créance de ce dernier n’était pas déterminée et que ce n’est qu’en 2013 que celui-ci avait contesté devoir des sommes qu’il avait jusque-là payées, la cour d’appel, qui a pu en déduire que le locataire ne pouvait, de sa seule initiative et unilatéralement, procéder à une compensation et qu’à défaut d’exécution de ses obligations, la clause résolutoire était acquise au bailleur, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ; »

 

Il ressort de ce qui précède que si la compensation légale peut théoriquement alimenter une opposition à commandement visant la clause résolutoire, le preneur s’en détournera par prudence, et sollicitera au contraire, judiciairement, le remboursement des sommes indument payées, plutôt que d’opérer de lui-même une compensation et risquer la résiliation de son bail.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

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