Une clause de solidarité différenciant colocataires et époux ou pacsés n’est pas abusive

Delphine VISSOL
Delphine VISSOL

 

Source : Cass. 3e civ. 12-1-2017 n° 16-10.324 FS-PBI

 

Le 20 août 2010, l’OPAC d’Amiens, devenu l’Office Public d’Habitat d’Amiens, a donné à bail un appartement à M. X… et à Mme Y…, le contrat comportant une clause de solidarité ainsi rédigée : “Il est expressément stipulé que les époux, quel que soit leur régime juridique, les personnes liées par un PACS, les colocataires sont tenus solidairement et indivisibles de l’exécution du présent contrat. Pour les colocataires, la solidarité demeurera après la délivrance d’un congé de l’un d’entre eux pendant une durée minimum de trois années à compter de la date de la réception de la lettre de congé“.

 

Mme Y… ayant donné congé avec effet au 7 mars 2011, M. X… est demeuré seul dans le logement.

 

Le 30 juillet 2013, le bailleur a délivré aux preneurs un commandement visant la clause résolutoire afin d’obtenir le paiement d’un arriéré de loyer puis les a assignés devant le juge des référés en constatation de la résiliation du bail.

 

Pour dire nulle et réputée non écrite la clause de solidarité et rejeter la demande dirigée contre Mme Y…, la Cour d’appel d’Amiens retient que cette clause est discriminatoire en ce qu’elle prévoit une situation plus défavorable pour les colocataires par rapport aux couples mariés ou liés par un pacte civil de solidarité, pour lesquels aucune sanction n’est prévue en cas de congé donné par l’un des deux au bailleur, et qu’elle introduit un déséquilibre entre les parties contractantes au préjudice des colocataires et en faveur du seul bailleur, lequel se réserve le pouvoir d’apprécier, sans limitation dans le temps, la durée pendant laquelle il pourra réclamer le règlement des sommes dues en vertu du bail au colocataire lui ayant donné congé.

 

La Troisième Chambre civile de la Cour de cassation censure cet arrêt considérant, au visa des dispositions de l’article L 132-1 du Code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige :

 

« Attendu que, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat

(…)

Qu’en statuant ainsi, alors que tous les copreneurs solidaires sont tenus au paiement des loyers et des charges jusqu’à l’extinction du bail, quelle que soit leur situation personnelle, et que la stipulation de solidarité, qui n’est pas illimitée dans le temps, ne crée pas au détriment du preneur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations respectifs des parties au contrat, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; »

 

Cet arrêt est également intéressant en ce qu’il rappelle que la solidarité ne se présume point et qu’en l’absence de stipulation expresse visant les indemnités d’occupation, la solidarité ne peut s’appliquer qu’aux loyers et charges impayés à la date de résiliation du bail de sorte que la Cour ne pouvait, pour dire la clause de solidarité imprécise quant aux sommes restant dues, retenir que celle-ci n’indiquait pas s’il s’agissait seulement des loyers et charges restés impayés ou des loyers et des indemnités d’occupation.

 

Delphine VISSOL

Vivaldi-Avocats

 

 

 

 

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