Clause résolutoire à quinze jours : réputée non écrite et impact de la loi Pinel sur les baux en cours

Thomas Chinaglia

La clause résolutoire d’un bail commercial prévoyant un délai de mise en demeure inférieur à un mois doit être entièrement réputée non écrite, en application de l’article L. 145-15 du code de commerce tel que modifié par la loi du 18 juin 2014. Cette loi s’applique aux baux en cours lors de son entrée en vigueur, dès lors que l’action visant à constater l’acquisition de la clause résolutoire a été engagée après cette date et que les effets du commandement ne sont pas définitivement consommés (2 espèces).

Civ. 3e, 6 nov. 2025, FS-B, n° 23-21.334

I –

Selon l’article L. 145-41 du code de commerce, une clause résolutoire ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux, ce commandement devant impérativement mentionner ce délai sous peine de nullité. Depuis longtemps, la jurisprudence considère que cette exigence d’ordre public concerne non seulement la rédaction du commandement mais également celle de la clause résolutoire elle-même.

Ainsi, une clause fixant un délai de quinze jours est dépourvue d’effet, de même qu’une clause prévoyant « trente jours », ce délai n’équivalant pas toujours à un mois. Dans l’affaire 23-21.454, la bailleresse soutenait que seul le commandement devait mentionner le délai légal d’un mois et que l’erreur dans la clause résolutoire elle-même importait peu. La Cour rejette à nouveau cette thèse : la clause résolutoire doit impérativement reprendre le délai légal et ne peut prévoir un délai différent. La coexistence de deux délais contradictoires crée d’ailleurs une confusion sanctionnée par la jurisprudence.

La Cour confirme que la clause résolutoire prévoyant un délai inférieur à un mois doit être écartée. Depuis la réforme Pinel, la sanction applicable n’est plus la nullité mais le caractère « réputé non écrit » au sens de l’article L. 145-15 du code de commerce. Cette sanction, imprescriptible, évite les difficultés liées au délai de prescription applicable à la nullité.

Le débat a longtemps porté sur l’étendue de la sanction : devait-on supprimer uniquement la stipulation irrégulière ou la clause entière ? La Cour retient désormais un critère d’indivisibilité : si la clause ne peut fonctionner sans la stipulation litigieuse, elle doit être réputée non écrite dans son ensemble. Tel est le cas de la clause résolutoire, dont le délai constitue une composante essentielle et indissociable.

II –

Dans l’affaire n° 23-21.334, la cour d’appel avait écarté l’application de la loi Pinel au motif que le commandement visant la clause résolutoire avait été délivré en juillet 2013, soit avant l’entrée en vigueur de la réforme. La Cour de cassation casse cette décision.

Elle rappelle sa jurisprudence désormais bien établie : ni la date de conclusion du bail, ni celle du commandement n’importent ; seul compte le moment où l’instance est introduite. La loi Pinel, et notamment la sanction du réputé non écrit prévue à l’article L. 145-15 du code de commerce, s’applique immédiatement aux baux en cours, mais non aux procédures déjà engagées avant son entrée en vigueur.

Dans l’espèce, la chronologie était claire : le commandement datait de 2013, mais l’instance n’avait été engagée qu’en septembre 2015, soit après la loi du 18 juin 2014. La réforme était donc applicable. Lorsque la Cour indique que « les effets du commandement ne sont pas définitivement réalisés », elle signifie simplement que la situation juridique née avant la loi nouvelle n’était pas consolidée, faute de décision définitive. Dès lors, la validité de la clause devait être appréciée à la lumière de la loi Pinel.

Cette solution s’inscrit dans le principe fondamental d’application immédiate de la loi nouvelle, cher à Roubier. La survie de la loi ancienne, en matière contractuelle, n’est qu’une exception étroitement cantonnée aux hypothèses dans lesquelles la volonté des contractants mérite protection. Or une clause résolutoire prévoyant un délai inférieur à un mois était déjà irrégulière avant la réforme ; la loi nouvelle ne fait que modifier la sanction. Aucune raison ne justifie alors la survie de la loi ancienne pour protéger une stipulation contraire à l’ordre public.

Enfin, lorsqu’un contrat est soumis à un statut légal impératif, tel que le bail commercial, une modification législative touchant une règle d’ordre public s’applique immédiatement, même si le législateur n’a pas expressément prévu de règle transitoire. Comme l’écrivait Roubier, « s’il n’y a pas de rétroactivité tacite, il peut y avoir exclusion tacite de la loi ancienne ».

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