TRAVAUX EN INDIVISION : DROIT POUR L’INDIVISAISIRE A LA SUPPRESSION TOTALE DES NOUVEAUX OUVRAGES EDIFIES EN L’ABSENCE DE SON CONSENTEMENT

Laurine DURAND-FARINA

Si en matière d’indivision forcée, chacun des indivisaires a le droit d’user et de jouir du bien indivis, à la condition de ne pas en changer la destination sans le consentement unanime de tous les copropriétaires et de ne causer ni dommage ni trouble à la possession d’aucun d’eux, chacun d’eux peut, en vertu de son droit propre, demander la suppression totale des nouveaux ouvrages édifiés sans son consentement sur le fonds indivis, ne pouvant être contraint d’en devenir propriétaire.

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 7 mai 2025, n° 24-15.027

I –

En l’espèce, trois propriétaires possédant chacun respectivement une parcelle, détiennent en indivision un chemin desservant leurs propriétés.

Certains de ces propriétaires ont fait réaliser une rampe d’accès bétonnée, permettant un accès plus direct à leurs fonds, après surélévation du chemin indivis.

L’un des copropriétaires les a alors assignés pour obtenir la démolition de l’ouvrage et des aménagements réalisés ainsi que la réfection du chemin et l’indemnisation de ses préjudices moral et de jouissance.

II –

La Cour d’appel a rejeté la demande en démolition de l’aménagement édifié et en remise en état du chemin.

Les juges du fond ont retenu que les propriétaires assignés n’ont modifié ni l’assiette du chemin ni son usage dès lors qu’il a toujours vocation à desservir les fonds et la création de la rampe bétonnée ne prive pas le copropriétaire en demande de l’accès à sa propriété ni ne le diminue, comme elle ne l’empêche pas d’emprunter la partie du chemin sur laquelle la rampe a été construite.

La Cour d’appel a néanmoins fait droit à la demande de dommages-intérêts en réparation de son trouble de jouissance.

Un pourvoi en cassation a été formé.

III –

Le propriétaire fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes alors qu’il soutient que les constructions élevées sur un immeuble indivis par l’un des propriétaires deviennent propriété commune des coïndivisaires si leur démolition n’est pas demandée et qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que celui-ci est propriétaire indivis, pour moitié, de la parcelle sur laquelle les autres propriétaires indivis ont bâti une rampe bétonnée sans l’accord de celui-ci.

 Ainsi, ce dernier soutient qu’en rejetant sa demande aux fins de démolition de ladite rampe, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article 551 du code civil.

IV –

 La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel.

La Haute Juridiction rappelle tout d’abord les dispositions de l’article 544 et 551 du code civil :

  •  Aux termes du premier de ces textes, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ;
  • Selon le second, tout ce qui s’unit et s’incorpore à la chose appartient au propriétaire.

La Cour de cassation retient qu’il en résulte que, si en matière d’indivision forcée, chacun des indivisaires a le droit d’user et de jouir du bien indivis, à la condition de ne pas en changer la destination sans le consentement unanime de tous les copropriétaires et de ne causer ni dommage ni trouble à la possession d’aucun d’eux, chacun d’eux peut, en vertu de son droit propre, demander la suppression totale des nouveaux ouvrages édifiés sans son consentement sur le fonds indivis, ne pouvant être contraint d’en devenir propriétaire.

Dès lors, la Cour de cassation a jugé que la cour d’appel a violé les textes susvisés puisqu’elle avait constaté que la rampe avait été édifiée sur une parcelle en indivision forcée, sans que le copropriétaire en demande y ait consenti.

V –

Ainsi, cet arrêt rappelle que tout ouvrage édifié sur un bien indivis sans l’accord unanime des coïndivisaires peut faire l’objet d’une demande de démolition par l’un d’eux.

A défaut d’une telle demande, ces constructions sont alors intégrées à l’indivision.

La Cour de cassation a en effet retenu que « les constructions élevées sur un immeuble indivis par l’un des propriétaires deviennent propriété commune des coïndivisaires si leur démolition n’est pas demandée » (Cass. 3e civ., 9 mars 1994, n° 92-12.971).

Ce mécanisme repose sur le principe de l’accession (art. 551 C. civ.), selon lequel les constructions faites sur un bien indivis appartiennent à l’indivision dans son ensemble.

L’indivisaire constructeur peut alors, en application de l’article 815-13 du Code civil, prétendre à une indemnisation au titre des impenses utiles ou nécessaires. Celle-ci sera évaluée au regard de l’enrichissement procuré à l’indivision ou de la valeur des dépenses engagées.

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