La révocation d’un mandataire social ne peut être fondée sur la seule circonstance que celui-ci ait assigné la société en justice pour tenter de faire valoir ses droits, la liberté fondamentale d’ester en justice, protégée par la CEDH, demeure prioritaire.
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 21 juin 2023, 21-21.875, Publié au bulletin
Dans un nouvel arrêt qui reçoit les honneurs de la publication au bulletin, la Cour de cassation revient sur les cas de la révocation d’un dirigeant, et le juste motif exigé pour la justifier.
I –
A l’origine de ce contentieux, un dirigeant poursuit la société dans laquelle il bénéficie de son mandat social, en nullité d’un traité d’apport signé préalablement, et d’une promesse de vente, se considérant victime d’un dol.
Il est débouté de ses demandes par jugement irrévocable, mais… quelques jours plus tard, il est révoqué de son mandat de directeur général et d’administrateur pour faute grave, considérant qu’il n’avait pas le droit d’assigner la société dans laquelle il exerçait un mandat social.
Mécontent de cette vengeance à peine déguisée, il assigne la société en sollicitant l’annulation de cette décision de révocation, mais se trouve débouté par les juges du fond, qui considèrent la révocation tout à fait fondée et justifiée.
Saisie de cette difficulté, la Haute Cour est amenée à donner sa position sur diverses questions, et notamment sur celle de la validité de la révocation.
Au visa de notamment de l’article 6 de la Convention de Sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, les juges du Quai de l’Horloge rappellent qu’agir en justice constitue une liberté fondamentale :
« toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi… ».
Dès lors,
«la révocation pour faute du dirigeant ou de l’administrateur d’une société ne saurait, sauf à porter atteinte à cette liberté fondamentale, être fondée sur la circonstance que ce dirigeant ou cet administrateur a introduit une action en justice à l’encontre de la société. Il importe peu, à cet égard, que cette action ait été déclarée non fondée »
Elle censure donc les juges du fond, en considérant que la Cour d’Appel ne pouvait se baser sur :
- La mention dans le procès-verbal de révocation, de l’assignation délivrée qui serait constitutive d’une faute grave du mandataire,
- La définition contractuellement définie de la faute grave comme étant une faute créant ou susceptible de créer un préjudice grave à la société,
pour justifier la légitimité de la révocation.
La révocation d’un mandataire social ne peut donc nullement être fondée sur la seule circonstance que celui-ci ait assigné la société en justice pour tenter de faire valoir ses droits, peu importe que ladite action se soit révélée finalement vaine.
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