Statut d’agent commercial : un périmètre pas toujours facile à identifier

Eric DELFLY
Eric DELFLY - Avocat associé

La Cour de Cassation en charge d’arbitrer tout litige sur la qualification de contrat d’agent commercial rappelle que le critère principal porte sur l’exigence d’indépendance et qu’à défaut d’une telle qualité, la convention ne peut pas être qualifiée d’agence commerciale.

Sources :

I –

Issu de la directive agents commerciaux du 18 décembre 1986[1] relative à la coordination des droits des états membres concernant les agents commerciaux indépendants, l’article L.134-1 du Code de Commerce alinéa 1 définit l’agent commercial comme suit :

« L’agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale et s’immatricule, sur sa déclaration, au registre spécial des agents commerciaux ».

La qualification d’agent commercial est d’ordre public, elle ne dépend donc ni de la volonté exprimée par les parties au contrat, ni de la dénomination qu’elles ont bien voulu donner à leur convention, mais de l’application ou non des critères ci-avant posés[2]. Et s’il n’est pas rare de lire dans les conventions rédigées par les parties que l’agent commercial exerce son activité en toute indépendance, il appartient au Juge, s’agissant d’une matière soumise à l’ordre public, de vérifier si celle-ci n’est que purement formelle ou s’inscrit véritablement dans la relation des parties, ce qui ne semble pas avoir été le cas dans l’affaire soumise à l’appréciation des Juridictions du fond, puis de la Cour de Cassation.

II –

Trois critères vont conduire les Juridictions saisies du litige au rejet du statut, avec en toile de fonds l’apparence auprès des tiers d’une activité commerciale exercée directement par la société distributrice, à savoir :

  • L’agent commercial n’apparaissait pas comme tel, mais communiquait sous un titre de « corporate and business développement director ». Dans l’esprit des clients, ce pouvait être aussi bien une filiale directe du fabricant (il s’agissait de la fabrication d’un procédé médical d’injection sans aiguille), que d’un tiers indépendant ;
  • Le dirigeant du mandataire était, par ailleurs, membre du directoire de la société mandante ;
  • Le mandataire ne recevait aucune consigne et était libre notamment dans ses pouvoirs de négociation. En d’autres termes, cette liberté était antinomique avec le catalogue tarifaire et les marges possibles de ristournes qui doivent s’inscrire dans le cadre de relations mandant/mandataire ;
  • La rémunération était fixe, donc ne dépendait pas du chiffre d’affaires ou de la marge brute dégagée ;
  • La partie variable était rémunérée en bon de souscription d’actions (BSA) qui conférait nécessairement au mandataire un droit à être associé du mandant, lequel finançait, par ailleurs, les outils nécessaires à l’exécution de la mission du mandataire et remboursait à celui-ci les frais exposés.

C’est ici une parfaite illustration qu’une relation commerciale entre deux sociétés qui, en apparence, sont indépendantes ne répond pas systématiquement de la qualification d’agent commercial dès lors que, comme en l’espèce, des critères objectifs permettent de convaincre les Juridictions saisies de, précisément, cette absence d’indépendance.

C’est d’ailleurs à raison du même critère d’absence d’indépendance que dans sa Jurisprudence précitée de 2003, le statut d’agent commercial n’avait pas pu être établi, la qualification se faisant sur la base d’un faisceau d’indices.

III –

Ces précisions peuvent être également transposées à l’accompagnement du cessionnaire par le cédant lors de la transmission de l’entreprise.

Il n’est, en effet, pas rare de constater que la holding cédante accepte d’accompagner au-delà des trois à six mois d’usage en pareille matière le cessionnaire, notamment lorsqu’une partie de l’activité cédée porte sur la distribution de produits.

Cet accompagnement peut, quelquefois, excéder plusieurs années, de sorte que dans ce type d’espèce, est-il souhaitable de rappeler, en préambule, la notion même d’accompagnement d’une clientèle déjà cédée (i), le schéma de dépendance du cédant par rapport au cessionnaire dans la période d’accompagnement, porterait-elle sur plusieurs années (ii) et en conséquence de cette dépendance, la non-reconnaissance du statut d’agent commercial.


[1] Directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986

[2] Voir en ce sens, Cass. Com. 10 décembre 2003 n°01-11.923 FS-B ou Cass. Com. 21 juin 2016 n°14-26.938 F – D et enfin plus récemment Cass. Com. 19 octobre 2022 n°21-21.978 F – D

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