Sous-traitance et prêt de main-d’œuvre illicite

Patricia VIANE CAUVAIN
Patricia VIANE CAUVAIN - Avocat

Source : Cour de Cassation, Chambre Sociale du 4 mars 2020 n° 18-10.636.

 

En l’espèce, une agente de service embauchée par une société de nettoyage est affectée pour exercer ses fonctions de femme de chambre dans un hôtel de luxe.

 

Licenciée pour faute grave, elle a, de même que deux syndicats, saisi la juridiction prud’homale pour obtenir le paiement de rappel de prime de salaires et des dommages et intérêts notamment pour marchandage et prêt de main-d’œuvre illicite.

 

Si elle les obtient du Conseil des Prud’hommes, pour autant la Cour d’Appel infirme le jugement et rejette les demandes de la salariée au titre du prêt de main d’œuvre illicite.

 

La salariée forme un pourvoi.

 

Elle soutient que son travail était lié à l’activité normale et permanente de l’hôtel et que la prestation fournie ne relevait pas d’une technicité spécifique.

 

Elle reproche à la Cour d’Appel d’avoir exclu l’existence d’un prêt de main-d’œuvre alors qu’elle devait examiner les conditions factuelles dans lesquelles elle avait exercé sa prestation de travail.

 

Elle avance également que le travail au sein d’un service organisé constituait un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail.

 

Enfin, elle maintient l’existence d’un préjudice puisqu’elle ne bénéficiait pas des garanties légales et des avantages attribués aux salariés permanents de l’hôtel.

 

La Cour de Cassation approuve la Cour d’Appel : celle-ci a retenu l’existence d’un savoir-faire spécifique, d’un contrat de prestation de services précis, a constaté la fourniture des produits et des matériels nécessaires, d’une prestation d’encadrement, d’un lien de subordination maintenu avec le prestataire.

 

Elle a donc examiné rigoureusement les critères fixés par la jurisprudence qui permettent de conclure ou non à l’existence d’un prêt de main d’œuvre illicite et d’un marchandage.

 

L’article L8231-1 du Code du Travail précise que « le marchandage défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’œuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application des dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail, est interdit ».

 

L’article L8241-1 du Code du Travail quant à lui, prévoit que toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’œuvre est interdite.

 

L’existence d’un prêt de main-d’œuvre illicite est écartée par la jurisprudence lorsque les critères suivants sont au moins pour partie réunis :

 

  L’activité de l’entreprise sous-traitante est spécialisée, et ne peut être assurée par le personnel du donneur d’ordre.

 

  Le contenu et l’objet du contrat sont bien définis.

 

  Les moyens matériels du prestataire sont fournis pour effectuer la prestation.

 

  Il n’existe aucun lien de subordination entre le salarié mis à disposition de la société utilisatrice et cette entreprise

 

  La réalisation de la prestation est rémunérée de façon forfaitaire.

 

Le prêt de main-d’œuvre s’inscrivant dans le cadre d’une sous-traitance ou d’une prestation de services, constitue un des moyens d’exécuter le contrat qui supposera donc nécessairement la fourniture par le sous-traitant au personnel détaché des moyens matériels nécessaires à l’exécution de la tâche et notamment la direction et la surveillance par le sous- traitant de son personnel

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