Rupture conventionnelle et harcèlement moral ne font pas bon ménage.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

SOURCE : Cass., Soc.,  30 janvier 2013, Arrêt n° 165 FS – P + B + R (n° 11-22-332).  

 

Dans cette espèce, une salariée, employée en qualité de secrétaire comptable, ayant refusé les avances de son employeur, s’est vue subitement mise au banc de la [petite] société l’employant, son employeur hurlant régulièrement contre elle, vidant son poste de la plupart des taches les plus intéressantes pour les confier à un stagiaire ou des collègues, et ne la conviant plus aux moments de convivialité organisés dans l’entreprise, de sorte que la salariée est tombée dans un état dépressif nécessitant qu’elle soit mise en arrêt maladie pour une période d’environ 4 mois.

 

Peu avant l’échéance de son dernier arrêt de travail, l’employeur lui a adressé une proposition de rupture conventionnelle, laquelle fut signée le jour-même de sa reprise de travail.

 

C’est ainsi qu’ayant quitté l’entreprise à la suite de l’homologation de la convention de rupture par l’administration, la salariée estimant avoir été victime de harcèlement moral et contestant la rupture intervenue, saisissait le Conseil des Prud’hommes de TOULOUSE, puis interjetait appel du Jugement de débouté rendu par celui-ci.

 

La Cour d’Appel de TOULOUSE, dans un Arrêt du 03 juin 2011, accueille au contraire l’ensemble des demandes de la salariée, relevant, sur le point particulier de la rupture conventionnelle, que le consentement du salarié doit être libre, éclairé et exempt de tout vice du consentement, ce consentement n’étant pas valable s’il est extorqué par la violence.

 

La Cour d’Appel relève qu’au contraire la salariée était victime de faits de harcèlement moral avérés dont il est résulté des troubles psychologiques importants, caractérisant une situation de violence au sens de l’article 1112 du Code Civil. Par suite, la Cour décide de l’annulation de la convention de rupture conventionnelle, celle-ci produisant alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

Ensuite de cet Arrêt d’appel, l’employeur se pourvut en Cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, l’employeur fait valoir que la seule circonstance d’avoir proposé la rupture conventionnelle à la salariée pendant sa période d’arrêt de travail ne pouvait constituer une violence au sens de l’article 1112 du Code Civil susceptible d’invalider le consentement de la salariée. Il fait encore valoir que la validité du consentement doit être appréciée au moment même de la signature de la convention de rupture et qu’à cette date le médecin du travail avait déclaré la salariée apte sans réserve à reprendre son poste de travail.

 

Mais la Haute Cour ne suit pas l’employeur dans son argumentation, considérant au contraire que la Cour d’Appel a souverainement estimé que la salariée était au moment de la signature de l’acte de rupture conventionnelle dans une situation de violence morale du fait de harcèlement moral dont elle constatait l’existence et des troubles psychologiques qui en résultaient ; par suite la Haute Cour rejette le pourvoi.

 

Pour la première fois, la Cour de Cassation se prononce ici sur une question déjà plusieurs fois posée à certaines Cours d’Appel sur la question de savoir si la rupture conventionnelle peut être valablement signée dans le cas d’un harcèlement avéré à l’égard du salarié.

 

La décision prise par la Cour de Cassation est, dans le droit fil des jurisprudences déjà parues sur la position des Cours d’Appel, de considérer que dans cette situation, le consentement du salarié ne peut être valablement donné, de sorte que la rupture doit alors s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

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