Dans une résidence de tourisme placée sous le statut de la copropriété des immeubles bâtis, ni l’exigence d’un exploitant unique prévue par l’article D. 321-2 du code du tourisme ni l’insertion dans un bail commercial consenti par un copropriétaire, qui ne peut transmettre plus de droits qu’il n’en a, d’une clause « subrogeant » l’exploitant dans ses droits et actions contre les constructeurs et leurs assureurs, n’ont pour effet de priver un syndicat des copropriétaires de sa qualité à agir à leur encontre en vue d’obtenir la réparation des dommages affectant les parties communes de l’immeuble.
Cour de cassation, 3ème chambre civile, 22 mai 2025, n° 23-19.544
I –
Des immeubles ont été construits, vendus par lots en l’état futur d’achèvement et soumis au statut de la copropriété pour être exploités comme résidence de tourisme par une société, à laquelle les propriétaires des lots ont consenti des baux commerciaux.
Se plaignant de désordres affectant les escaliers de secours extérieurs, les syndicats des copropriétaires de ces immeubles ont assigné en référé-expertise notamment l’assureur dommages-ouvrage et les entreprises chargées des travaux.
II –
La Cour d’appel a déclaré irrecevable la demande d’expertise judiciaire des syndicats des copropriétaires.
L’arrêt constate que par baux commerciaux, chacun des copropriétaires a donné en location à l’exploitant ses locaux privatifs meublés et aménagés et la quote-part des parties communes attachée à ces locaux et a autorisé le preneur et en tant que de besoin, l’a subrogé dans ses droits et obligations concernant la mise en jeu contre le vendeur ou contre les entreprises chargées des travaux de toutes les garanties de vente et de construction et à mettre en jeu l’assurance dommages-ouvrage.
Dès lors, les juges du fond en ont déduit que les syndicats des copropriétaires ne disposent pas de la qualité à agir en responsabilité contre les entreprises chargées des travaux, dès lors qu’aucun des copropriétaires ayant subrogé le preneur dans son droit à agir n’a pu leur transférer cette qualité.
Un pourvoi en cassation a alors été formé.
III –
Les syndicats des copropriétaires font grief à l’arrêt de déclarer irrecevable leur demande d’expertise, alors que le syndicat des copropriétaires a pour objet la conservation et l’amélioration de l’immeuble ainsi que l’administration des parties communes et qu’il est recevable à agir en réparation de dommages ayant leur origine dans les parties communes et affectant les parties privatives d’un ou plusieurs lots.
Ils soutiennent en outre que la cour d’appel, en considérant ainsi que les syndicats des copropriétaires ne démontraient pas un intérêt à agir et une qualité pour agir pour solliciter une expertise judiciaire au titre de désordres décennaux dès lors qu’ils n’établissaient pas leurs droits sur les immeubles, s’agissant de résidences de tourisme gérées par un exploitant, lequel avait conclu avec les copropriétaires des baux commerciaux la subrogeant dans leurs droits contre les entrepreneurs au titre des garanties biennales et décennales, alors que les syndicats des copropriétaires étaient recevables à agir en vue d’une expertise pour la réparation de dommages ayant leur origine dans les parties communes et affectant les parties privatives d’un ou plusieurs lots, la cour d’appel a violé les articles 14 et 15 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, ensemble les articles 31 et 32 du code de procédure civile.
IV –
La Cour de cassation casse et annule, en toutes ses dispositions, l’arrêt de la cour d’appel.
La Haute Juridiction a rappelé les dispositions suivantes :
- En vertu de l’article 1346-4 alinéa 1er du code civil, la subrogation transmet à son bénéficiaire, dans la limite de ce qu’il a payé, la créance et ses accessoires, à l’exception des droits exclusivement attachés à la personne du créancier.
- L’article 15 alinéa 1er de la loi du 10 juillet 1965 dispose que, le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu’en défendant, même contre certains des copropriétaires ; il peut notamment agir, conjointement ou non avec un ou plusieurs de ces derniers, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l’immeuble.
- En vertu de l’article D 321-2 du code du tourisme, la résidence de tourisme peut être placée sous le statut de copropriété des immeubles bâtis fixé par la loi du 10 juillet 1965 modifiée, sous réserve que le règlement de copropriété prévoit expressément une gestion assurée pour l’ensemble de la résidence de tourisme par une seule personne physique ou morale, liée par un contrat de louage ou mandat aux copropriétaires ou associés des sociétés d’attribution.
Il en résulte que ni l’exigence d’un exploitant unique prévue par ce dernier texte ni l’insertion dans un bail commercial consenti par un copropriétaire, qui ne peut transmettre plus de droits qu’il n’en a, d’une clause « subrogeant » l’exploitant dans ses droits et actions contre les constructeurs et leurs assureurs, n’ont pour effet de priver un syndicat des copropriétaires de sa qualité à agir à leur encontre en vue d’obtenir la réparation des dommages affectant les parties communes de l’immeuble.
V –
En retenant que la clause de subrogation insérée dans les baux commerciaux avait privé les syndicats des copropriétaires de leur qualité à agir contre les constructeurs et leurs assureurs, la cour d’appel a méconnu tant les effets limités de la subrogation que l’autonomie d’action du syndicat des copropriétaires en matière de sauvegarde des droits afférents aux parties communes.