Pacte d’actionnaire et droit de préemption sur des droits sociaux

Eric DELFLY
Eric DELFLY - Avocat associé

Source : CA Versailles (12e ch) , 25 juin 2013, n° 12/ 01016,

 

I-

 

Deux actionnaires conviennent de se consentir un droit mutuel de préemption en cas de projet de cession des actions de l’autre. Le pacte stipule que :

 

 l’exercice éventuel du droit de préemption s’effectuera aux conditions du projet communiqué par l’actionnaire vendeur.

 le cédant pourra renoncer à son projet jusqu’à réception de la notification de l’exercice du droit de préemption.

 à la date de réception de cette notification, le cédant sera tenu de réaliser la cession, aux conditions du projet initialement communiqué par lui.

 

 

L’un des actionnaires s’étant accordé avec un tiers pour céder sa participation au capital de la société notifiera à l’autre son projet qui en réponse exercera son droit de préemption.

 

La société rencontrera des difficultés qui convaincront l’associé bénéficiaire de la préemption à différer son acquisition avant de se rétracter. Quelques mois après la société était placée en liquidation judiciaire

 

L’associé cédant saisira sans succès le tribunal de commerce de Nanterre[1] pour obtenir l’exécution forcée de la vente.

 

II-

 

La cour d’appel de Versailles n’est pas de cet avis est juge que cette rétractation est dénuée de tout effet :

 

Contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, l article 1.2 du pacte tel qu il est rédigé dans des termes clairs ne nécessitant pas d’interprétation, ne ménage pas de faculté de rétractation à l’actionnaire ayant notifié l’exercice de son droit de préférence, mais prévoit simplement les conditions et modalités dans lesquelles l’actionnaire cédant peut poursuivre son projet de cession au profit d’un autre cessionnaire que l’actionnaire bénéficiaire du droit de préférence auquel il a régulièrement notifié son projet de cession initial ou d’un tiers ; cet article ne contient aucune mention permettant de retenir que les parties, dans l’hypothèse où l’actionnaire bénéficiaire du droit de préférence refuse de donner suite à la notification qu’il a régulièrement faite de l’exercice de ce droit, auraient entendu écarter l’application éventuelle des dispositions de droit commun de l’article 1184 alinéa 2 du code civil.

 

Les juges ordonnent également l’exécution forcée de la vente, à la demande du cédant. Ils observent, pour ce faire, qu’aux termes de l’article 1184, al. 2, du code civil, la partie envers laquelle un engagement n’a pas été exécuté peut forcer l’autre partie à s’exécuter ou demander la résolution du contrat. Aucune stipulation du pacte de préemption ne dérogeait à ce principe. De plus, l’actionnaire ayant exercé son droit de préemption l’a fait en connaissant la situation financière de la société, en toute liberté et sans formuler une quelconque réserve sur les termes et conditions du projet de cession communiqué par le cédant.

 

L’accord ainsi réalisé entre les parties, sur la chose et sur le prix, a entraîné la formation de la vente au regard de l’article 1583 du code civil.

 

Une révocation unilatérale n’est pas possible.

 

Eric DELFLY

Vivaldi-Avocats



Jugement rendu le 14 Décembre 2011 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

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