« Entre vente et achat, une faute s’introduit »

L’Ecclésiastique, chapitre 27 verset 4

 

 

Précisions de l’auteur sur les évolutions intervenues depuis la rédaction de l’article :

 

Depuis la rédaction de l’article, début 2013 :

 

– l’investissement étranger en France s’est effondré de 77 % ;

 

– l’IS est passé à 38 % (taux moyen en UE : aux alentours de 20 %) ;

 

– les actionnaires payent deux fois l’impôt, une fois à 38 %, puis une seconde, prélevé à la source, pour un montant maximum de 61 %, avant même l’ISF ;

 

– en 2013, les actionnaires ont payé 4 fois le même impôt (non rétablissement de l’avoir fiscal + payement en 2013 de l’impôt 2012 et avec un an d’avance de l’impôt 2013 qui aurait dû être payé en 2014) ;

 

– l’abattement sur les pertes en bourse est passé à 65 %, sans que l’actionnaire puisse choisir les gains et les pertes qu’il souhaite compenser ; il n’est pas possible de compenser des pertes récentes avec des gains anciens, l’administration fiscale le refuse ;

 

– il est impossible de prétendre qu’une telle politique est pro business ;

 

 

1.Tout un chacun

 

La Bourse française est malade, et la France est malade de sa bourse. D’aucuns ajouteraient que l’homme malade de l’Europe, c’est la France. Les gens n’en ont guère conscience, mais tout, dans leur vie, dépend de l’activité des sociétés cotées en bourse, en est tributaire, et se trouve régi par leurs évolutions, et si ce n’est pas le cas, cela signifie qu’ils sont complètement exclus de la société et du progrès tel qu’on l’entend de nos jours. Ce qu’ils boivent, ce qu’ils mangent, ce qu’ils lisent, ce qu’ils écoutent, leurs distractions, leurs réseaux sociaux, leurs vacances, leur travail, leurs impôts, tout dépend directement ou indirectement des produits, services et résultats des sociétés cotées en bourse, donc de la bourse elle-même. Quelques exemples: l’eau du robinet, l’eau en bouteille, les alcools forts, le tabac, les yaourts, les courses au supermarché pour s’alimenter, les soins corporels, les déplacements, en métro, en train, en voiture, sur autoroutes, en bateau, en avion, la musique, le téléphone, l’ordinateur, internet, la télévision, le cinéma, tous les divertissements, la publicité, l’énergie, quelle que soit sa source, pétrole, gaz, charbon, nucléaire, électricité, la société de consommation, la société de communication, la société de divertissements, le droit au compte bancaire, la couverture santé, les médicaments, le financement des retraites, l’accès au crédit, donc à l’immobilier, la plupart de ces produits et services sont couverts et réalisés par des sociétés cotées en bourse et uniquement par elles. Ils l’étaient, en France, en tout ou partie, il y a seulement quelques années encore, par le service public. Une sorte de service public universel, donc. La Bourse est ainsi devenue une sorte de service public des temps modernes.

 

Si leur vie en général, sa qualité, ses perspectives, dépendent à ce point de la bourse, les gens devraient se préoccuper de son fonctionnement, de son évolution, de son avenir prévisible, car cela les affectera directement; ils ne devraient pas s’en désintéresser. Or, tel n’est pas le cas. La plupart des gens ignorent complètement ce qu’est devenue la bourse, comment elle fonctionne, pourquoi la bourse française s’est effondrée depuis 13 ans, sans rétablissement aucun (courant 2013, il faudrait une hausse moyenne de 90 %, simplement pour effacer les pertes moyennes depuis 2000), au contraire des autres grandes places mondiales (les USA au plus haut historique, le Japon depuis 2013, avec une hausse de 80 % en 6 mois, la Chine, l’Allemagne au plus haut historique, l’Angleterre elle aussi au plus haut historique), et l’absence de débats publics sur les causes premières de la crise permet aux mécanismes qui ont rendu possible la ruine générale de subsister et de générer d’autres destructions. Ce dont les gens ont conscience, c’est un mauvais souvenir, lié à 1929, et une inquiétude, lié à la crise actuelle. Entre les deux, il y a toute une évolution, qu’il importe de décrire. Au-delà de la crise actuelle, il y a un après, dont le contenu dépendra des choix faits par le pouvoir politique.

 

2.Un mauvais souvenir

 

Dans l’imaginaire commun des habitants de la terre, il existe un écho d’une peur liée au krach de 1929. Visuellement, ce sont des corps qui tombent des buildings, des cohortes de gens en guenilles faisant la queue pour la soupe populaire, les exodes sur les routes, puis la seconde guerre mondiale, et près de trois décennies pour se remettre du choc créé par 1929. Au lendemain du krach, très rapidement, les autorités américaines analysent les causes de la crise et les facteurs aggravants. Ils en discernent plusieurs, et prennent des lois afin d’empêcher, pour l’avenir, qu’un tel scénario se reproduise. On peut en citer au moins deux, le Federal Securities Act et le Glass Steagall Act en 1933. L’un prévoit de sévères peines de prison pour combattre les manipulations de cours, tout en posant des limites aux techniques de spéculations à la baisse, l’autre impose aux banques la division des risques, avec un adage célèbre, un métier, une règle, une autorité. La France imitera les USA, notamment pour l’adage un métier, une règle, une autorité. La réaction est de nature juridique, ce sont de mauvaises règles de droit combinées avec le refus des autorités de l’époque d’injecter des liquidités dans le système pour éviter les faillites bancaires en chaîne qui ont contribué à la naissance de la crise, puis à son aggravation. Lorsqu’il est avéré que les règles du jeu sont mauvaises (on juge un arbre à ses fruits), on les change, on les réécrit, pour tirer les leçons du passé, on accepte de se remettre en cause, on accepte de reconnaître ses erreurs.

 

3.La mise en place progressive de nouvelles règles juridiques qui débouchent sur la crise actuelle

 

Les règles de droit gouvernant le fonctionnement de la bourse française ont connu un bouleversement total depuis la fin des années 1980, de sorte qu’il n’est plus possible de comparer la crise actuelle avec les crises du passé. Les règles ne sont plus les mêmes, et certains interdits ont été supprimés dans les années 2000 (suppression de l’interdiction des put warrants sur actions françaises en 2001; suppression du Glass Steagall Act en 1999). Tout a changé : la nature de la bourse, qui n’est plus un lieu, mais devient à partir de 1999 une personne, qui se cote elle-même en bourse ; la conception même du fonctionnement de la bourse, du calcul du cours de bourse, la France ayant renoncé en 2004, à cause de la Directive dite MIF (Marchés d’instruments financiers) du 21 avril 2004, entrée en vigueur en 2007, à sa conception pluriséculaire du type de confrontation des ordres de bourse, abandonnant la cotation par les ordres (nécessitant leur concentration en un lieu unique, qui garantit la justice du prix) au profit de la cotation par les prix, qui correspond au modèle anglais. L’autorité de contrôle de la bourse, devenue en France en août 2003 une autorité très puissante, qui concentre toutes les fonctions: création des règles, fonction de surveillance, de poursuites, et de sanctions, en quelque sorte un cumul des fonctions réglementaires, de police et de justice. L’autorité de contrôle française, appelée AMF (Autorité des marchés financiers, fusion de plusieurs autorités précédentes, dont la célèbre Commission des opérations de bourse et le Conseil des marchés financiers) est financée par ceux qu’elle doit contrôler et par les produits les plus spéculatifs. Mieux encore, le règlement de l’AMF autorise expressément ses membres à fixer eux-mêmes la rémunération qu’ils se versent. On ne sera pas surpris d’apprendre que l’AMF a été condamnée à plusieurs reprises par le Conseil d’État, en 2007, pour violation des droits de l’homme et défaut d’impartialité. Quelle confiance le public peut-il alors placer dans une autorité chargée de les protéger, alors qu’elle est financée par ceux qui spéculent à la baisse et qui détruisent l’épargne publique?

 

Plus radicalement, de nouvelles erreurs sont commises. Les USA, sous l’influence du Président G. W. Bush et de l’ancien président de la FED, M. Alan Greenspan, décident d’abandonner les règles posées par le Glass Steagall Act, la division des risques au sein des banques et l’adage un métier, une règle une autorité. Cette erreur contribuera fortement à emporter dans la débâcle les banques américaines en 2008. Ensuite, les USA, toujours sous l’impulsion de M. Greenspan, se mettent à pratiquer une politique d’argent bon marché, qui permet aux fonds spéculatifs (hedge funds, ou fonds de couverture) de s’endetter sans compter et de mettre en place des opérations à effet de levier colossaux. Les USA, l’Union européenne, la France, se mettent à favoriser la création en masse de produits titrisés (les fameux subprime, dans le jargon américain), et, en France à partir de 2003, leur diffusion auprès du public via la gestion collective (assurance-vie, sicav monétaires, obligataires, actions) devient colossale.

 

Mais surtout, à partir de la fin des années 1990, apparaissent de nouvelles techniques de spéculation, de nature uniquement juridique, à très fort effet de levier, qui ne pouvaient exister auparavant à cause de l’absence des modèles mathématiques, et de leur découverte progressive (les algorithmes). Là réside l’un des aspects du problème: l’existence de la vente dite à découvert, combinée aux marchés dérivés. La vente dite à découvert consiste à vendre x fois le bien d’autrui. Si on vend ce qu’on n’a pas, on vend nécessairement le bien d’autrui. Or, selon le Code civil français, la vente de la chose d’autrui est normalement interdite et frappée de nullité[2]. La loi économique de l’offre et de la demande se trouve nécessairement affectée par de telles règles juridiques, qui permettent et favorisent la manipulation des cours. En France, l’effet de levier maximum est de x 5 sur le Cac 40 (marché réglementé). On peut donc vendre 5 fois le bien d’autrui, sans l’avoir, ce qui provoque nécessairement la baisse du cours de bourse, sans jamais que le rachat compense la baisse (il faut une hausse de 100 % pour compenser une baisse de 50 %), sauf hypothèse rare d’un corner, où les titres vendus sont plus nombreux que les titres en circulation. En permettant de tels agissements contra legem, le législateur ne tient aucun compte de la mise en garde de la Bible: « Entre vente et achat, une faute s’introduit » (L’Ecclésiastique, chapitre 27 verset 4).

 

4.La légalisation des produits dérivés pour spéculer à la baisse

 

Enfin et surtout, le législateur français commet fin 2001 une erreur étonnante, avec la loi dite Murcef du 11 décembre 2001: il se met à favoriser la spéculation à la baisse en levant l’interdit qui pesait depuis toujours sur les put warrants, des produits dérivés qui permettent de spéculer à la baisse contre les sociétés françaises, sans aucun objectif de couverture de l’actif sous-jacent[3]. En clair, dès le début de l’année 2002, les banques du monde entier inondent la France de produits cotés sur les marchés dérivés, appelés put warrants, à très fort effet de levier (x 10, x 30, x 100 etc), qui permettent aux spéculateurs de lancer contre les sociétés françaises des attaques à la baisse très violentes, sans aucun objectif de couverture. Le choc est d’autant plus violent que le Japon adopte des règles en sens inverse au même moment[4]. La sanction a été immédiate et brutale pour tout le pays: le Cac 40 perd 50 % en quelques semaines seulement, début 2002, soit bien après la bulle dite internet (début 2000), et bien avant la guerre en Irak (2003). La bourse française commence à baisser en 2000. En mars 2009, elle est revenue au niveau de 1994, plus d’une décennie étant ainsi détruite. En avril 2013, la bourse française continue de se traîner très en dessous de son plus haut historique, une hausse de 90 % étant nécessaire pour effacer les pertes moyennes depuis 2000, alors que les autres grandes places volent de records en records (le Dow Jones à Wall Street, le Dax en Allemagne, le Footsie à Londres… par exemple, courant mai 2013, on note la 20ème séance de hausse en Allemagne, la 15ème hausse consécutive à Londres, le FT-100 revenant à son zénith absolu de janvier 2000, des records historiques battus à Wall Street; une telle série haussière n’a jamais été observée en 210 ans d’histoire du marché britannique, non plus que 4 semaines de hausse sans consolidation à Francfort, source Cercle finance). Les dégâts causés par cette réforme absurde ont été démultipliés par une autre réforme, mise en oeuvre à la même époque: retenir comme valeur, pour les fonds propres, non pas la valeur d’actif net, mais le cours de bourse au jour le jour. Il fallait être irresponsable pour combiner cette méthode d’évaluation avec la faveur envers la spéculation à la baisse. Les effets ont été terribles pour les banques et les assurances, à cause des ratios de solvabilité. La combinaison de ces règles a entraîné mécaniquement leur insolvabilité, avec l’obligation de les recapitaliser massivement, mais en pure perte, puisque la cause, la spéculation à la baisse n’était pas traitée. Un seul exemple permet de comprendre l’ampleur du désastre, le Crédit Agricole, qui, pour 64 milliards d’euros de fonds propres, ne valait, en bourse, qu’environ 20 milliards d’euros, pour un cours de 9 euros. Cette banque a fini par voir son cours de bourse tomber à 3 euros pendant l’été 2012, alors que le plus haut historique avait été de près de 30 euros en 2007. Les gens ont ainsi raison d’être inquiets.

 

5.L’inquiétude liée à la crise actuelle et ses conséquences fiscales

 

Les sociétés françaises attaquées en bourse depuis la fin 2001 se sont défendues comme elles l’ont pu: multiplication des plans sociaux de licenciements, délocalisations des sites de production, réduction des dépenses de recherche-développement, évasion fiscale grâce au droit européen et la jurisprudence de la CJUE, perte de compétitivité (voir encore un rapport de l’OCDE du 19 mars 2013 sur le sujet), utilisation des bénéfices pour racheter les actions émises afin de les détruire, le capital qui se détruit lui-même. Les recettes fiscales directement liées à la bourse se sont logiquement effondrées. En temps normal, jusqu’en 2000, la bourse française rapportait directement à l’État français 1,5 point du PIB (pour des taux de prélèvement raisonnables, de l’ordre de 16,9 %, bien inférieurs au niveau actuel), soit environ 30 milliards d’euros par an pour un PIB annuel actuel de 2000 milliards d’euros. Or, depuis 13 ans, la bourse française est en baisse, de près de 7000 points en septembre 2000 à 3600 points courant avril 2013. Le pays ne s’est jamais remis de l’effondrement de sa bourse, qui commence fin 2000. Le désastre fiscal lié à l’effondrement de la bourse, qui dure depuis 2000, est rendu d’autant plus rude, pour l’État et les régions, qu’il se double à présent d’une correction des placements immobiliers. Cette évolution néfaste est d’autant plus paradoxale que les bénéfices de sociétés du Cac 40 (la principale bourse française) ont explosé sur la même période : 15 milliards d’euros en 1997 pour un Cac 40 à moins de 3 000 points, 100 milliards d’euros après impôts en 2007, pour un Cac 40 à 5400 points en septembre, 87 milliards en 2010, pour un Cac 40 qui tombe dans l’année en dessous de 3500 points, 78 milliards en 2011, pour un Cac 40 qui tombe dans l’année à 2600 points. En raison de l’accumulation des pertes et de leurs conséquences fiscales sur le budget de l’État, la France décide alors en 2012 et 2013 de les fiscaliser.

 

6.La neutralisation fiscale partielle des pertes liées à la bourse

 

Normalement, les pertes en bourse ne sont pas imposables, et lorsqu’elles sont prises, c’est-à-dire lorsque des ventes à pertes au comptant sont passées, en droit français, les pertes sont reportables en totalité pendant 10 ans sur les bénéfices futurs. Les exemples cités plus haut fournissent des repaires sociologiques quant à leur importance. L’effondrement vertigineux par son ampleur et par sa durée de la bourse française depuis 13 ans pèse ainsi très lourdement sur les recettes fiscales de l’État. Se cacher cette vérité, se refuser à l’admettre depuis 13 ans, ne change rien à l’affaire. On n’impose pas les pertes… Lorsque l’État s’est résigné à prendre seulement une partie de ses pertes liées à l’effondrement de France Télécom, dont il est le principal actionnaire, tout en se désintéressant complètement de son sort (l’action est passée de 220 euros en 2000 à… 7 euros en 2013), cela a provoqué des pertes historiques dans les comptes de la Caisse des dépôts et consignations et dans le Fonds stratégique d’investissement en 2012. En d’autres termes, le traitement fiscal des pertes pèse sur les recettes fiscales de l’État. Mais plus depuis 2012 et 2013. Car à présent, les pertes sont fiscalisées, directement et indirectement. Dans l’État français actuel, non seulement l’impôt sur les bénéfices est payé deux fois par les actionnaires, de manière totalement illicite[5], mais, qui plus est, l’État français impose directement et indirectement les pertes. Il n’y a pas un seul État au monde, mise à part la France, qui maltraite à ce point l’investissement en capital. C’est la nouvelle doctrine du perdant-perdant (les gains éventuels sont imposés au-delà de toute raison ; les pertes ne sont plus prises en compte pour leur montant réel, voire même pas du tout prises en compte). Le premier ministre est ainsi allé en février 2013 jusqu’à refuser rétroactivement, en dépit de la parole donnée, à la banque Crédit agricole la prise en compte d’une perte de 840 millions d’euros, par application d’un amendement à la loi des finances pour 2012 afin de restreindre, voire d’interdire, la possibilité de déduire les moins-values à court terme résultant de la cession de titres, reçus en contrepartie d’un apport au profit d’une filiale en difficulté (ici la banque grecque Emporiki, cédée pour un euro symbolique en 2012 après recapitalisation). Un recours est pendant devant le Conseil d’État. Pourquoi aller prendre des risques importants pour ensuite être traité fiscalement de la sorte? Autant aller voir ailleurs. En ce sens, on apprenait début juin 2013 que l’attractivité de la France est “en perte de vitesse” et que la France a accusé un recul important de 13 % des implantations internationales en 2012 contre une moyenne de 3 % sur 44 pays d’Europe, selon un baromètre du cabinet d’audit Ernst and Young. Le déclin est encore plus marqué en termes d’emplois, avec une baisse de 20 %, selon les résultats de la 12e édition intitulée “France : dernier rappel”. Ce n’est que la conséquence logique d’une politique fiscale sur le capital devenue irresponsable et repoussante. En lésant à ce point les intérêts des investisseurs, c’est le bien commun que lèsent les politiques français. Comme l’écrit pertinemment Raymond Aron, à propos de l’oeuvre de Durkheim, «… le socialisme exprime des protestations ou des revendications de la classe ouvrière mais le problème social ne se réduit pas au malheur et aux espoirs de la classe ouvrière »[6]. Ce n’est pas le nombre qui dicte la clé de la justice.

 

7.L’imposition directe des pertes en bourse

 

L’imposition directe passe par la taxe sur les transactions financières, dont la mise en place est progressive. L’investisseur qui en a assez d’attendre depuis 13 ans un rétablissement hypothétique de la bourse française, et qui liquide son portefeuille à perte (plusieurs millions de particuliers sont sortis de la bourse récemment en vendant à perte la totalité de leurs portefeuilles) risque de devoir payer la taxe sur les transactions financières. Cette taxe s’applique sur les transferts de propriété, ce qui signifie qu’elle ne s’applique pas sur les opérations en service de règlement différé. Elle porte pour l’instant sur l’achat d’actions françaises cotées à Paris, dont la capitalisation dépasse 1 milliard d’euros. Son taux, au départ fixé à 0,1%, a été doublé le 1er août 2012. Mais les investisseurs se sont rapidement adaptés, soit en arrêtant de placer leur argent sur les actions françaises concernées, soit en achetant des produits dérivés, qui répliquent la performance des titres mais échappent à la taxe. Le projet controversé de taxe à l’échelle européenne élargit le domaine d’application, puisque toutes les transactions sur instruments financiers sont censées être affectées.

 

8.L’imposition indirecte des pertes en bourse

 

L’imposition indirecte des pertes, qui date de l’année fiscale 2013, est encore plus choquante. Plus les pertes seront anciennes (la bourse française s’effondre depuis 13 ans), plus leur montant pris en compte fiscalement par rapport aux gains éventuels sera plafonné. Les pertes sont donc indirectement fiscalisées en ce qu’elles ne viennent plus s’abattre pour leur totalité sur les gains éventuels. Plus la perte sera ancienne, moins son montant fiscal pris en compte sera important. La part plafonnée est donc bien fiscalisée.

 

Techniquement, le système est le suivant. La loi de finances du 29 décembre 2012 pour 2013 a mis en place un régime fiscal faisant de la France le pays le plus hostile au monde en matière de fiscalité sur le capital. Non seulement les bénéfices sont imposés deux fois (une première fois à 34 % auprès de la société émettrice, une seconde fois jusqu’à près de 70 % auprès de l’actionnaire pour le dividende distribué), contrairement au principe d’égalité devant l’impôt, mais de surcroît, les revenus du capital sont à présent davantage taxés que les revenus du travail, avec des taux de prélèvement totaux (impôt sur le revenu des personnes physiques + prélèvements sociaux + impôt de solidarité sur la fortune) pouvant friser les 70 %. Mieux encore, l’abattement pour durée de détention va s’appliquer non seulement aux plus-values, mais aussi aux moins-values. Plus les titres seront anciens, moins les pertes seront prises en compte, à cause des abattements par durée de détention (20 % pour durée de détention de deux à quatre ans ; 30 % pour durée de détention de quatre à six ans; abattement plafonné à 40 % pour durée de détention de plus de six ans). On aboutit ainsi à cette situation invraisemblable, où il faut combiner cession de titres anciens en plus-values (abattement de 40 %) avec cession de titres récents en moins-values (0% si durée de détention inférieure à 2 ans ; abattement de 20 % sur les pertes si durée de détention de deux à quatre ans ; de 30 % si durée de détention de quatre à six ans; abattement plafonné à 40 % des pertes si durée de détention de plus de six ans (NDLA : aujourd’hui 65%) ; conseil donné par A. Pando[7]) pour limiter les injustices créées délibérément par ce système. Mais comment y parvenir puisque la bourse française n’a cessé de s’effondrer depuis 13 ans, passant de 7000 points en 2000 à 3600 points et quelques courant avril 2013?

 

9.La réaction tardive des autorités européennes et les dérives de la spéculation à effet de levier

 

Avec un retard extrêmement préjudiciable, les ventes dites à découvert ont été mises en cause à l’automne 2008 à l’échelle européenne, mais seulement de manière partielle et temporaire[8]. La spéculation sans couverture est illégale, interdite[9]et la totalité des pertes est à présent pour le professionnel qui a accepté de tels ordres, peu importe le comportement et l’expérience du donneur d’ordre[10]. Il aura fallu près de 10 ans pour que cette évidence soit dûment jugée en justice, 10 années de gâchées, 10 années d’accumulation des pertes. Les marchés dérivés à très fort effet de levier permettant de spéculer à la baisse n’ont pas encore été remis en cause, mais la Commission de Bruxelles a annoncé son intention de poursuivre les abus en la matière, car elle a pris conscience, grâce à l’Allemagne, que les produits dérivés permettent de faire de la manipulation de cours. Certains ont prétendu que la vente à découvert n’était pas la cause de la crise, qui reposait sur des paramètres économiques[11]. Plusieurs affaires, dont certaines ont donné lieu à des décisions de justice, qu’on ne peut nier, sauf à nier le réel, ont montré, bien au contraire, que les règles juridiques favorisant la spéculation à la baisse permettaient la manipulation des cours, sans aucun rapport avec la réalité économique. Et qu’on arrête de répéter à l’envi que la vente dite à découvert serait bénéfique en ce qu’elle permettrait la liquidité. C’est faux. Le prouvent les volumes des transactions qui se sont effondrés en France, plusieurs indicateurs le démontrant (20 millions d’euros en moyenne seulement sur les 40 valeurs du Cac 40 le jour de la fin du mois boursier de novembre 2012, pour la 5ème puissance mondiale, alors que les bénéfices annuels après impôts sont souvent proches des 80 milliards d’euros, source, Cercle finance; un autre signe révélateur qui ne trompe pas: la taxe sur les transactions financières rapporte deux fois moins que prévu, alors que son taux a été doublé par le nouveau pouvoir en place).

 

En fait de liquidité, à force d’avoir favorisé la spéculation à la baisse, les responsables ont fait fuir les investisseurs, et il ne se passe plus rien sur la bourse française (volumes d’achats en chute libre, plus d’introduction en bourse, plus d’offre publique d’achat), les banques étant même obligées de licencier une partie de leurs traders, devenus inutiles. En fait de liquidité, voici un commentaire de Cercle finance à propos d’une journée de cotation ordinaire à la Bourse de Paris courant mai 2013: « Les volumes d’échanges donnent le vertige: 550 millions d’Euros négociés en l’espace des 6 heures et demi de cotations, c’est digne d’une bourse d’un pays émergent pas encore introduite dans les circuits financiers majeurs ».

 

L’affaire Zhang, tout d’abord, en 2006[12]: un simple particulier, grâce à une utilisation habile des règles de droit, arrivait à fausser complètement les cours de bourse de plusieurs sociétés de la bourse française, allant jusqu’à représenter 40 % des transactions journalières (30 % rien que pour Alstom); il a été condamné, lui et ses complices, à 9 millions d’euros d’amende. Importante, cette affaire l’est, car elle montre que l’axiome de l’atomicité des marchés est périmé. Si un seul particulier, avec des moyens rudimentaires, peut à ce point manipuler les cours de bourse, que dire des hedge funds, de leur force de frappe, et de l’utilisation du trading haute fréquence[13], combinée au recours aux plate-formes privées ?

 

L’affaire Gaz de France-Suez en janvier 2007: un seul ordre de bourse, transmis par un simple particulier, sans la couverture nécessaire, et exécuté à l’étranger par contrepartie dans des conditions opaques, a provoqué l’arrêt de toute la cotation du Cac 40 pendant la matinée du 8 janvier 2007, et une destruction de richesses en termes de capitalisation boursière se chiffrant à plusieurs milliards d’euros pour le groupe attaqué, Gaz de France. La seule perte portée sur le compte du client s’est élevée à 6 482 319 euros. A l’époque, le titre se traitait entre 35 et 40 euros, avant la fusion avec le groupe Suez (qui a lieu le 22 juillet 2008). Le total des deux ne vaut plus aujourd’hui, en bourse, que 15 euros (courant 2013). GdF-Suez valait près de 45 euros au plus haut. 45- 15 = 30 x 2 321 714 249 (nombre de titres) = 70 milliards d’euros de destruction de richesses en termes de capitalisation boursière pour ce seul groupe, l’un des leaders mondiaux dans l’énergie, sans aucun rapport avec la « bulle internet », dont le capital est détenu largement par l’État français lui-même (38 %). Pour mémoire, l’actif net comptable de ce groupe est de 28 euros par action, et le price earning ratio n’est que de 9 pour un rendement annuel de 10 %. A cause de son effondrement en bourse, ce groupe vaut moins à présent que sa dette, de 41 milliards d’euros, laquelle n’a pas subi le même sort que celui de sa capitalisation boursière, tombée à 37 milliards.

 

L’affaire Kerviel, ensuite, début 2008, dans laquelle ce spéculateur arrive à construire, grâce aux effets de levier, une position de l’ordre de plusieurs dizaines de milliards d’euros, à lui tout seul; le montant des pertes a été de 4,9 milliards d’euros. En 2013, les procédure judiciaires sont toujours en cours.

 

Puis l’affaire dite de l’Ecureuil (nom de la Caisse d’épargne), en octobre 2008, dans laquelle des employés de la Caisse d’épargne ont réussi à détruire près de 800 millions d’euros, pour une somme initialement investie de 10 millions d’euros sur les marchés dérivés actions ; l’effet de levier avoisine les 400. L’État français, nécessairement affecté par l’énormité des pertes (plan d’aide de 360 milliards d’euros pour 6 banques françaises) est le seul responsable des règles qu’il a fixées lui-même pour gouverner la bourse: extrême faveur envers la spéculation à la baisse et la destruction, autorité de contrôle financée par ce qui détruit l’économie, principe de valorisation au jour le jour selon le cours de bourse, suppression de l’obligation de concentration des ordres, laxisme envers le trading dit haute fréquence, mise en place d’une fiscalité repoussante.

 

L’incroyable affaire Volkswagen encore, le 27 octobre 2008, qui établit de manière définitive et irréfutable que le cours de bourse est le fruit de manipulation de cours liées aux ventes dites à découvert, conséquences de règles juridiques absurdes, sans aucun rapport avec une quelconque réalité économique. A cause du rachat forcé d’attaques à la baisse « à découvert », appelé techniquement corner, le cours de bourse de l’action Volkswagen passe en quelques heures de 200 euros à près de… 1000 euros, sans aucun rapport avec la réalité économique. Ce groupe est ainsi devenu à l’époque, en quelques heures, la première cotation mondiale, avec une valeur en bourse de 310 milliards d’euros, 100 fois plus que son concurrent General Motors. L’onde de choc a affecté plusieurs places boursières dans le monde, dont la France et les USA; les pertes estimées pour les spéculateurs à la baisse ont été de l’ordre de 25 milliards d’euros, avec une rumeur insistante de 4 milliards d’euros uniquement pour l’une des grandes banques françaises, pertes liées à l’inversion, en quelques heures seulement, de positions spéculatives à la baisse à effet de levier (vendre x fois le bien d’autrui en pariant sur la baisse et la destruction). Pour ceux qui spéculaient avec un effet de levier x 5, leur perte a donc atteint 2500 % (5 x 500 %). En Allemagne, un milliardaire, qui avait pris des positions à effet de levier à la baisse contre Volkswagen, ruiné, se suicide en janvier 2009, en se jetant sous un train.

 

L’affaire Thomson enfin, groupe renommé par la suite Technicolor, au printemps 2009: l’interdiction pure et simple de toute attaque à la baisse imposée par l’un des créanciers du groupe, Société générale, via la banque en ligne Boursorama, provoque un rebond de plus de … 300 % du titre, sans aucune réaction de la part de l’AMF. Cette liste n’est pas close, d’autres affaires s’y sont ajoutées, impliquant toutes les effets de levier et le laxisme des règles juridiques (l’économie est secondaire par rapport au droit), telles les affaires du Libor ou encore l’affaire dite de la Baleine de Londres, en 2012.

 

10.Et après la crise

 

La presse a estimé à 25 000 milliards de dollars, sur deux années seulement, le montant des destructions liées à la crise actuelle. La somme est tellement énorme qu’elle est difficilement imaginable. Elle doit être rapprochée du montant des Credit Default Swaps, de 26 000 milliards de dollars fin 2011[14], soit après l’année 2008. L’expérience a prouvé que les CDS ne servent à rien lorsqu’il s’agit de couvrir un actif sous-jacent, ils n’ont d’utilité que pour spéculer à effet de levier, sans aucun objectif de couverture. A titre de comparaison, le PIB de la France est de l’ordre de 2000 milliards d’euros, et les sociétés du Cac 40 valaient, début mars 2009, environ 600 milliards d’euros, soit moins du tiers du PIB de la France, pourtant 5ème puissance mondiale. La France est dans une situation particulière par rapport aux USA, à l’Allemagne, à l’Angleterre, au Japon. Depuis 13 ans, la bourse française baisse plus et monte moins que les autres places, avec pour conséquence le fait que le pays ne s’est pas encore rétabli lorsque la crise actuelle commence en 2007. Pour éviter des défaillances en chaîne, les autorités ont injecté des milliers de milliards de dollars dans le système, aussi bien aux USA (près de 4 000 milliards de dollars dans le cadre du Quantitative Easing décidé par M. B. Bernanke), que dans l’Union européenne, de la part des banques centrales, du FMI, et des États eux-mêmes, avec un début de mouvement de nationalisations partielles des banques. Par exemple, quatre États de l’UE, dont la France, ont annoncé un plan d’aides aux banques de 2 000 milliards de dollars. En agissant de la sorte, les autorités ont tiré les leçons du krach de 1929. Mais elles commettent de nouvelles erreurs, qui seront lourdes de conséquences dans quelques années. Il est en effet dangereux de continuer à alimenter les spéculateurs en liquidités et en baissant les taux d’intérêt, sans traiter les causes de la crise, à savoir la faveur envers la spéculation à la baisse. Seuls certains effets sont traités, mais pas les causes de la crise. C’est le syndrome du fond de la baignoire béant, qu’on essaye de remplir en déversant d’énormes quantités d’eau. On peut croire un temps le problème résolu, mais ce n’est qu’une apparence doublée d’une illusion: dès que le flot se tarit, la baignoire se vide immédiatement, et des richesses colossales sont englouties à jamais en pure perte.

 

11.L’heure des choix pour le futur

 

Au point où nous sommes arrivés, plusieurs choix sont possibles, dont plusieurs comportent un risque important de rechute. Comme dans une partie d’échecs, il reste peu de coups à jouer, et certains débouchent sur l’échec et mat. Le sort de la Grèce devrait donner à réfléchir, qui n’appartient plus, à cause de son effondrement économique, à la liste des pays développés depuis juin 2013, mais à celle des pays émergents.

 

Ainsi, le pouvoir politique peut décider de:

 

Ne rien faire; c’est l’échec assuré, pire qu’en 1929; les causes (la faveur envers la spéculation à la baisse) ne sont pas traitées, et la crise repartira de plus belle dans un avenir proche; il en résultera faillites, saisies, licenciements et expulsions en masse.

 

Continuer à alimenter le marché en liquidités, sans traiter les causes; ce plan est dangereux en ce qu’il ne garantit pas le rétablissement, et se trouve exposé au risque non nul d’assèchement des liquidités; que se passera-t-il, dans un ou deux ans, si le plan actuel échoue, que les liquidités injectées ont été détruites, et que les États ne parviennent plus à compenser les pertes, alors que les plans de relance représentent en monnaie constante 100 fois le montant du plan Marshall?

 

Faire ce qu’on aurait dû faire depuis plus d’une décennie, combattre la spéculation à la baisse, en généralisant de manière définitive l’interdiction de la vente d’x fois la chose d’autrui et en rétablissant l’interdiction des put warrants sur actions, supprimée de manière irresponsable en 2001; a priori intéressante, cette solution est lourde de deux périls qui la rendent telle quelle impraticable: 1/ la reproduction pour toute la cote de ce qui est arrivé dans l’affaire Volkswagen, les spéculateurs à la baisse liquidés cristallisant des pertes colossales, de plusieurs dizaines de milliards d’euros dans les comptes des banques, pertes auxquelles il serait très difficile de faire face; 2/ sachant qu’ils peuvent investir sans risquer de se faire laminer, les fonds souverains pourraient éprouver la forte envie de faire main basse sur les grands groupes, dont les cours de bourse sont des cours de faillite, avec des valorisations tellement basses que quelques années de bénéfices seulement (de 7 à 10 selon les groupes) suffisent à payer l’addition; dans ce scénario, la France perd toute souveraineté économique.

 

Afin d’éviter un tel résultat, deux remèdes sont envisageables: soit laisser un délai aux spéculateurs pour dénouer leurs attaques à la baisse, avant l’interdiction totale et définitive de ces pratiques, sous peine de sanctions pénales sévères en cas de violation; mais cette solution laisse subsister le risque important de perte de la souveraineté économique de la France; soit nationaliser toute la cote, supprimer ensuite les règles juridiques favorisant les attaques à la baisse, pour réintroduire en bourse quelque temps plus tard les sociétés nationalisées; a priori dispendieux, ce plan ne coûte en réalité pas très cher; fin octobre 2008, 80 % des sociétés du Cac 40 pouvaient être nationalisées en totalité pour la somme ridicule de 350 milliards d’euros (ridicule, cette somme l’est, si on la compare au PIB de la France, 5ème puissance mondiale, de 2 000 milliards d’euros, ou encore aux capitalisation boursières de Google ou Apple, qui lui sont supérieures), soit guère plus que les sommes estimées pour un fonds souverain à la française (200 milliards d’euros), et moins que le montant du plan d’aide aux banques (360 milliards d’euros). On rappellera aussi qu’en 2007, les 40 sociétés du Cac 40 ont réalisé un bénéfice net après impôts de 100 milliards d’euros, ce qui donne une idée du degré de sous-valorisation des sociétés françaises et de la bourse française. Encore faudrait-il avoir les moyens financiers d’un tel plan.

 

Plus modestement, défaire ce qui a été fait juridiquement de manière irresponsable depuis 2001: interdire la spéculation à la baisse via les produits dérivés, rétablir l’obligation de concentration des ordres, interdire le trading haute fréquence, rétablir une fiscalité sur le capital attrayante (rétablissement de l’avoir fiscal, baisse importante de l’impôt sur les sociétés, de 35 % à 20 % (NDLA : aujourd’hui 38%), et retour aux taux d’imposition des plus-values boursières du début des années 2000, soit 16,9 % forfaitaire), afin de rétablir par des règles juridiques responsables la confiance du public et des investisseurs étrangers dans le fonctionnement de la bourse française.

 

Pour conclure, un point paraît certain. Le temps ne joue pas pour nous, mais contre nous. Le degré de destruction de la crise actuelle est le fruit du laxisme juridique que nous dénonçons depuis 2001[15]. C’est une illusion de croire que la science économique permettra de sortir de la crise actuelle. Car la crise est juridique avant d’être économique. Selon la loi de Aron [16], les moyens de destruction l’emportent de très loin sur les capacités de reconstruction dans la société industrielle et technicienne. Cela vaut aussi pour les techniques de spéculation à la baisse, qui sont juridiques et uniquement juridiques (il faut une hausse de 100 % pour compenser une baisse de 50 %, de 10 000 % pour une baisse de 99 %). Le temps de tergiverser est un luxe au-delà de nos moyens. L’eau monte très vite (plus de 100 milliards d’euros de nouvelle dette par an pour la France, avec une dette publique de l’ordre de 100 % du PIB ; la France devra faire près de 80 milliards d’euros d’économie par an pour ramener son déficit public à 0,5 % du PIB, en application des règles européennes de stabilité budgétaire; montant du déficit public à fin avril 2013: pratiquement 68 milliards d’euros en seulement 4 mois), et le temps de la noyade est de plus en plus proche.

 

Laurent RUET

Professeur agrégé des facultés de droit

Enseignant à l’Université Paris X Nanterre La Défense

Directeur du Master 2 professionnel Contentieux des affaires.

 


[1] Revue publiée par l’université du Pérou et largement diffusée en Amérique latine et en Amérique du Nord, dont Harvard ; l’article a été publié et traduit en espagnol dans un n° anniversaire spécial pour les 10 ans de la revue ;

[2] Article 1599: « La vente de la chose d’autrui est nulle: elle peut donner lieu à des dommages-intérêts lorsque l’acheteur a ignoré que la chose fût à autrui ».

[3] Nous avons commenté à l’époque le projet de loi, en écrivant que si cette loi passait, ses effets seraient très destructeurs pour l’économie française en général; v. notre article Commentaire du projet de loi dite murcef. In: Bulletin Joly Bourse, juillet 2001. p. 339.

[4] Sur ce lien, voir notre article Du principe de rivalité. In: Dalloz, 2002. p. 3086.

[5] Voir notre article De l’illégalité de la suppression de l’avoir fiscal. In: LPA, 2006, n° 65. p. 4.

[6] Socialisme et sociologie chez Durkheim et Weber. In: Les sociétés modernes, PUF, 1983, p. 212.

[7] Plus-values de cessions de valeurs mobilières : les réformes. In: LPA, 2013, n° 68. p. 3.

[8] Voir déjà notre article De l’illégalité de la vente « à découvert ». In: LPA, 2009, n° 12.

[9] Voir notre article La couverture, condition (essentielle) de la formation des ordres de bourse à terme. In: Bulletin Joly Bourse, 2000. p. 521.

[10] Voir Com. 26 mars 2013. In: Bulletin Joly Bourse, 2013. p. 285; et notre note, qui récapitule plusieurs affaires récentes et le montant des pertes, toutes pour le professionnel teneur de compte.

[11] Sur la démonstration de l’efficacité réelle, chiffres à l’appui, de la limitation partielle de la spéculation à la baisse, voir notre article Quel impact pour la limitation apportée par l’AMF à la spéculation à la baisse. In: RDBF, 2010, n° 2.

[12] Que nous avons commentée; voir notre article Manipulation de cours : comment un simple particulier peut fausser les cours de bourse de sociétés cotées comme Alstom en représentant jusqu’à 41 % des transactions journalières afin de provoquer des baisses artificielles. In: LPA, 2006, n° 258.

[13] Sur lequel voir notre article Estoppel et ordres de bourse. In: Bulletin Joly Bourse, 2012, p. 613.

[14] IOSCO. The Credit Default Swap market, juin 2012.

[15] Voir surtout notre livre La vérité sur l’effondrement de la bourse. Paris: Éditions Mare et Martin, écrit en 2003, publié seulement en 2007

[16] Voir son article fondamental, Progrès technique, progrès économique, progrès social. In: Les sociétés modernes, PUF, 1962. p. 427, spécialement pp. 430 et ss.

 

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