Débauchage massif de salariés et concurrence déloyale

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

  

SOURCE : Cass com., 9 juin 2015, n°14-15781, Inédit

 

Engager des salariés d’une entreprise concurrente ne constitue pas, par principe, un acte de concurrence déloyale, même lorsque le débauchage est commis par l’ancien associé-gérant de la société. Par la présente décision, la Cour de cassation a l’occasion de rappeler à la Cour d’appel de Versailles, sa jurisprudence selon laquelle le débauchage massif de salariés d’une entreprise concurrente ne constitue pas nécessairement un acte de concurrence déloyale en l’absence de clause de non concurrence des démissionnaires[1] sauf s’il y a désorganisation de l’entreprise concurrente, notion sur laquelle la Haute juridiction revient ici.

 

En l’espèce, une société en assigne une autre fondée par son ancien gérant, en lui reprochant des actes de concurrence déloyale, notamment par imitation de produits et débauchage massif de salariés, qui ont conduit le concurrent à être sanctionné par la Cour d’appel de Versailles.

 

Pour entrer en voie de condamnation, les juges versaillais relèvent notamment que :

 

la moitié des effectifs du service commercial de la société victime a été débauchée par l’entreprise concurrente, suivant un planning de démission et de promesses d’embauche faites aux salariés ;

 

certains produits vendus par la société concurrente et son catalogue sont une imitation des produits de la société victime ;

 

constitutifs d’acte de concurrence déloyale.

 

L’arrêt est cassé par la Cour de cassation, pour insuffisance de motivation :

 

S’agissant du débauchage de salariés, la Haute Cour reproche à la Cour d’appel d’avoir confondu la désorganisation de la société avec la simple perturbation de son activité. En d’autres termes, pour la Cour de cassation, le débauchage massif de salariés perturbe l’activité de l’entreprise, mais ne la désorganise pas ;

 

S’agissant de l’imitation de produits, les motifs adoptés par les juges du fonds ne permettent pas de caractériser une concurrence déloyale par parasitisme. En d’autres termes, il lui fallait déterminer si les produits disposaient suffisamment d’originalité[2].

 

Il résulte de cette décision que le nombre n’est pas un critère suffisant pour caractériser une concurrence déloyale : le seul critère est la désorganisation. A suivre ce raisonnement, une entreprise pourrait ainsi débaucher les trois quart des salariés de son concurrent sans encourir le grief de concurrence déloyale, puisque le seul élément à prendre en compte est la désorganisation de la société.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

 


[1] Cass com., 21 janvier 1997, n°94-17800

[2] Sur la concurrence déloyale par parasitisme, cf notre article du 27 mars 2015

 

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