Dans un arrêt du 15 janvier 2025[1], la Cour de cassation donne un éclairage intéressant sur le délai de prescription de l’action en reconnaissance d’une situation de co-emploi.
Pour rappel, exceptée la situation dans laquelle un salarié peux avoir plusieurs employeurs, dans le cadre d’un groupe, une société peut être qualifiée de co-employeur du personnel employé par une autre société du groupe à la seule condition qu’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière.[2]
En cas de co-emploi, les co-employeurs sont tenus solidairement des obligations contractuelles à l’égard du salarié.
Ainsi, et plus particulièrement, dans le cadre des licenciements pour motifs économiques prononcés par une société fille, les salariés, s’ils peuvent démontrer l’immixtion permanente de la société mère dans la gestion économique et sociale de la société filiale employeur avec une perte totale d’autonomie, seraient donc intéressés à rechercher la société mère comme co-employeur pour obtenir la condamnation solidaire de la société mère à l’égard de la société fille.
L’arrêt de la Cour de cassation du 15 janvier 2025 juge que cette action en reconnaissance d’une situation de co-emploi est une action personnelle répondant à la prescription quinquennale des dispositions de l’article 2224 du Code civil.
Elle donne également une précision sur la date de départ du délai de prescription de 5 ans, à savoir la date à laquelle celui qui exerce l’action a connu ou aurait dû connaitre les faits et au cas d’espèce, il s’agissait d’une fraude.
Ainsi, alors que la salariée était en congé maternité puis en congé parental, elle avait été informée par son employeur (société A) que son contrat était repris par une société B.
Face à la fermeture du magasin dans lequel elle travaillait et sans information sur son nouvel employeur, la salariée avait saisi la juridiction prud’homale pour obtenir la condamnation de la société B (nouvel employeur annoncé) à diverses sommes.
Par la suite, elle a appris que la société A avait poursuivi son activité malgré la cession de ses parts sociales et que le gérant de cette même société A était également gérant d’une société C exploitant un autre magasin.
3 ans et demi après sa première saisine, la salariée avait attrait la société A et la société C pour voir reconnaitre leur qualité de co-employeur à la société B et ainsi obtenir la condamnation solidaire des 3 sociétés.
En parallèle, le juge répressif avait déclaré coupable le gérant du chef d’organisation frauduleuse et d’insolvabilité afin d’échapper à une condamnation patrimoniale et d’usage de faux en écriture.
En l’occurrence, la Cour d’appel avait retenu que le délai de prescription de 5 ans courait à la date à laquelle la salariée avait reçu citation par le procureur de la République aux fins de constitution partie civile dans le cadre du procès pénal.
[1] Cass. Soc. 15 janvier 2025, n°23-11.765
[2] Cass. Soc. 25 novembre 2020, n°18-13.769