La nullité du cautionnement pour défaut de mention manuscrite est conforme à la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

Source : Cass. com., 21 oct. 2020, n° 19-11.700, n° 546 F-P+B

 

I – L’espèce

 

Un établissement de crédit consent à une société un prêt d’un montant de 100.000 euros, dont deux personnes physiques se portent cautions. Elles font précéder leurs signatures de la mention manuscrite suivante :

 

« Bon pour engagement de caution solidaire et indivise à concurrence de la somme de cinquante mille euros (50 000 euros) en capital, augmentée des intérêts du prêt au taux de 5,85 %, commissions, intérêts moratoires, frais et accessoires quelconques y afférents »

 

La société est mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque assigne donc les cautions en exécution de leurs engagements. Ces dernières demandent, reconventionnellement, l’annulation de ceux-ci sur le fondement des articles L. 341-2 et L. 341-3, devenus L. 331-1 et L. 331-2, du Code de la consommation. En substance ces textes prévoient la nullité du cautionnement lorsque la mention manuscrite n’est pas conforme à la mention légale :

 

«  En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même. »

 

La banque soutient que les erreurs qui n’affectent ni le sens ni la portée des mentions manuscrites prescrites par le Code de la consommation, ni n’en rendent la compréhension plus difficile pour la caution, n’affectent pas la validité du cautionnement. La banque est tout de même déboutée de sa demande en paiement par les juges du fond, lesquels estiment la formule employée trop éloignée du formalisme imposé.

 

II – Le pourvoi

 

Saisie d’un pourvoi, la Chambre commerciale de la Cour de cassation juge que la cour d’appel a déduit exactement que le formalisme des articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, n’avait pas été respecté, dès lors que la mention manuscrite litigieuse ne comportait ni la durée du cautionnement, ni l’identité du débiteur principal et ne précisait pas le sens de l’engagement, ni n’indiquait ce que signifiait son caractère « solidaire ». Sur ce point, la solution n’est pas nouvelle.

 

Surtout, et c’est là le principal apport de l’arrêt, la Cour de cassation énonce, comme principe, que la sanction légale de la nullité du cautionnement dont la mention manuscrite n’est pas conforme à celle prévue par la Loi, qui est fondée sur la protection de la caution, ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit de l’établissement de crédit prêteur au respect de ses biens garanti par l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Là est la nouveauté.

 

Cette solution est vraisemblablement et notamment motivée par le fait que cette nullité, légale, spéciale et automatique, est tempérée par le fait qu’il s’agisse d’une nullité relative, protégeant une règle ayant pour seul objet la sauvegarde d’un intérêt privé (article 1179 du Code civil), ne pouvant être invoquée que par la personne protégée par la règle transgressée, et non par le juge lui-même.

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