Création du nantissement sur les actifs numériques ou crypto-actifs

Jacques-Eric MARTINOT

La loi DDADUE 5 instaure, dans le code monétaire et financier, un régime juridique pour le nantissement portant sur les actifs numériques (qui seront dénommés « crypto-actifs » en juillet 2026), dont les modalités d’application seront précisées par décret.

La loi n° 2025-391 du 30 avril 2025, dite « loi DDADUE 5 », porte diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes. Elle instaure notamment un régime de nantissement sur les actifs numériques, qui prendront la dénomination de « crypto-actifs » au 1er juillet 2026. Un décret en Conseil d’État précisera les modalités d’application de ce nouveau nantissement.

L’objectif de la loi est de sécuriser juridiquement la constitution de garanties sur les crypto-actifs, après la création d’un marché harmonisé des crypto-actifs en Europe par le règlement (UE) 2023/1114 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2023, dit « règlement MiCA ». La France disposant d’une législation sur les actifs numériques applicable aux prestataires sur actifs numériques déjà agréés, une période transitoire a été mise en place jusqu’au 1er juillet 2026 pour se conformer au règlement.

Ce nantissement s’inspire du régime du nantissement de comptes-titres.

Conformément au nouvel article L. 226-5, I du code monétaire et financier, le nantissement d’actifs numériques est constitué, tant entre les parties qu’à l’égard des tiers, par une déclaration signée par le propriétaire des actifs numériques. Cette déclaration contient des énonciations dont le contenu sera déterminé par un décret en Conseil d’État. Elle peut être signée au moyen d’un automate exécuteur de clauses dans des conditions définies par ce même décret.

L’assiette du nantissement comprend :

– Les actifs numériques spécifiquement énumérés dans la déclaration ;

– Les actifs numériques qui les remplacent ou les complètent en garantie de la créance initiale du créancier nanti, quelle que soit la manière ;

– Sauf convention contraire des parties, les fruits et les produits des actifs numériques nantis, qui peuvent être composés d’actifs numériques ou, le cas échéant, de sommes en toute monnaie, y compris les fruits et les produits découlant de l’immobilisation des actifs numériques nantis dans un système de négociation et de règlement DLT (soit Distributed ledger technology ou technologie de registres distribués).

Le texte précise que les actifs numériques et leurs fruits et produits venant compléter le nantissement par voie de déclaration complémentaire, en garantie de la créance initiale du créancier nanti, sont soumis aux mêmes conditions que ceux mentionnés dans la déclaration initiale et sont considérés comme ayant été remis à la date de la déclaration initiale du nantissement.

Lorsqu’un prestataire de services sur actifs numériques (mentionné au 1° de l’article L. 54-10-2 du code monétaire et financier) ou un prestataire de services sur crypto-actifs autorisé dans les conditions prévues à l’article 59 du règlement MiCA assure la conservation des actifs numériques, le créancier nanti peut obtenir, sur simple demande auprès de celui-ci, une attestation de nantissement. Cette attestation doit comporter un inventaire des actifs numériques nantis à la date de sa délivrance.

En cas de nantissements successifs sur les mêmes actifs numériques, l’ordre de priorité des créanciers est déterminé par l’ordre de leur déclaration initiale. Le constituant ou le créancier nanti doit notifier successivement chaque nantissement à tout prestataire de services mentionné au 1° de l’article L. 54-10-2 précité ou au prestataire de services sur crypto-actifs autorisé dans les conditions prévues à l’article 59 du règlement MiCA précité qui assure la conservation des actifs numériques nantis (C. mon. fin., art. L. 226-5, II).

Les fruits et produits des actifs numériques nantis sont considérés comme des accessoires de ces actifs et sont soumis aux mêmes règles que les actifs eux-mêmes.

Les fruits et produits des actifs numériques nantis, lorsqu’ils sont composés de sommes en toute monnaie et n’ont pas été exclus de l’assiette du nantissement par convention des parties, sont inscrits au crédit d’un compte de fruits et produits ouvert au nom du titulaire des actifs numériques nantis dans les livres d’un établissement de crédit. Cette inscription peut avoir lieu à tout moment. Les fruits et produits sont réputés faire partie intégrante de l’assiette du nantissement à la date de la signature de la déclaration initiale de nantissement, quelle que soit la date d’ouverture du compte de fruits et de produits. Le créancier nanti peut obtenir, sur simple demande au teneur du compte de fruits et de produits, une attestation comportant l’inventaire des sommes inscrites au crédit de ce compte à la date de la délivrance de cette attestation.

Si les fruits et produits ne sont pas inscrits au crédit d’un compte de fruits et de produits à la date à laquelle la sûreté peut être réalisée, ils sont exclus de l’assiette du nantissement (C. mon. fin., art. L. 226-5, III).

Le nantissement est opposable à l’égard des parties comme des tiers sans autre formalité que la signature de la déclaration de nantissement (C. mon. fin., art. L. 226-5, I ; Rapport Haut comité juridique de la place financière de Paris sur le règlement MiCA, 27 janv. 2024, p. 35).

Le créancier nanti et le constituant définissent conjointement les conditions dans lesquelles ce dernier peut disposer des actifs numériques et des sommes en toute monnaie compris dans l’assiette du nantissement. Le créancier nanti bénéficie, en toute hypothèse, selon des modalités convenues par les parties, d’un droit de rétention sur ces actifs numériques et sur ces sommes (C. mon. fin., art. L. 226-5, IV).

À défaut d’un autre délai préalablement convenu avec le constituant, le créancier nanti titulaire d’une créance certaine, liquide et exigible peut réaliser le nantissement 8 jours après la mise en demeure du débiteur, du constituant s’il n’est pas le débiteur, et, le cas échéant, de tout prestataire de services mentionné au 1° de l’article L. 54-10-2 ou de tout prestataire de services sur crypto-actifs autorisé dans les conditions prévues à l’article 59 du règlement MiCA assurant la conservation des actifs numériques nantis ainsi que du teneur du compte des fruits et produits. La mise en demeure est réalisée par remise en mains propres, par courrier recommandé ou par toute autre modalité qui sera fixée par le décret en Conseil d’État (C. mon. fin., art. L. 226-5, IV).

La réalisation du nantissement intervient dans la limite du montant de la créance garantie et, le cas échéant, dans le respect de l’ordre indiqué par le constituant du nantissement (C. mon. fin., art. L. 226-5, V).

Pour les sommes en toute monnaie, le transfert en pleine propriété se fait directement au créancier nanti. Pour les actifs numériques, les modalités de réalisation sont convenues entre le constituant et le créancier nanti. À défaut d’accord, ces modalités sont fixées par décret en Conseil d’État.

Le texte précise que le constituant du nantissement supporte tous les frais de sa réalisation, lesquels sont imputés sur le montant de cette réalisation.

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