Copropriété et recouvrement de charges

Kathia BEULQUE
Kathia BEULQUE - Avocat associée

Source : Cass.1ère Civ., 20 avril 2022, n°20-23.160

C’est ce que précise la Première chambre Civile de la Cour de cassation dans cette décision, publiée au bulletin, comme suit :

« …

Faits et procédure

 

1. Selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 29 octobre 2020), à la suite du décès, le 11 septembre 2013, de [K] [T], propriétaire, avec son épouse, de deux lots au sein d’un immeuble en copropriété, le syndicat des copropriétaires a sollicité de la société civile professionnelle [N] [J] et [V] [F] (la SCP notariale), en charge du règlement de la succession, l’identité des héritiers, ainsi qu’un acte de notoriété aux fins de poursuivre le paiement de charges de copropriété restées impayées.

 

2. La SCP notariale ayant opposé le secret professionnel, le syndicat des copropriétaires l’a assigné, en référé, afin d’en obtenir la levée.

 

Examen du moyen

 

Enoncé du moyen

 

3. La SCP notariale fait grief à l’arrêt de l’autoriser, et à défaut, de lui ordonner de communiquer au syndicat des copropriétaires l’identité complète avec adresse de la veuve et des héritiers réservataires de [K] [T], alors « que le secret professionnel du notaire étant intangible, le pouvoir que le juge tient de l’article 23 de la loi du 25 ventôse an XI d’ordonner la communication d’un acte établi par l’officier ministériel ne peut être étendu à des informations qu’aucun acte ne mentionne ; qu’en ordonnant à la SCP [J]-[F] de communiquer au syndicat des copropriétaires l’identité et l’adresse de la veuve et des héritiers réservataires du défunt de la succession duquel la SCP notariale était chargée, bien qu’elle ait relevé qu’en l’absence de prise de position de certains héritiers sur l’acceptation de la succession et en l’état d’une contestation sur leur qualité, le notaire n’avait pu encore dresser l’acte de notoriété et que « cette circonstance conduit à ne pas ordonner la délivrance d’un acte qui n’a pas encore été dressé », la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait qu’elle ne pouvait ordonner la communication d’informations devant figurer dans un acte que le notaire n’était pas en mesure d’établir, violant ainsi l’article 23 de loi du 25 ventôse an XI par fausse application. »

 

Réponse de la Cour

 

Vu l’article 23 de la loi du 25 ventôse an XI, modifié par l’ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 :

 

4. Selon ce texte, les notaires ne peuvent, sans une ordonnance du président du tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire), délivrer expédition ni donner connaissance des actes à d’autres qu’aux personnes intéressées en nom direct, héritiers ou ayants droit, à peine de dommages-intérêts et d’une amende.

 

5. Pour autoriser et à défaut ordonner à la SCP notariale de communiquer au syndicat des copropriétaires l’identité et l’adresse de la veuve et des héritiers réservataires de [K] [T], l’arrêt retient que la SCP notariale ne peut maintenir son refus devant les juridictions saisies au prétexte du caractère absolu du secret auxquelles elle serait tenue, dès lors qu’une autorisation judiciaire peut valablement l’en affranchir au regard des intérêts légitimes en cause et que la protection des intérêts privés de ses clients ne peut en aucun cas permettre à ceux-ci, tenus des dettes et des charges de la succession, de s’affranchir durablement de leurs obligations légales, alors qu’en l’occurrence les charges de copropriété s’aggravent au préjudice de la trésorerie de la copropriété depuis plus de sept ans.

 

6. En statuant ainsi, alors que le secret professionnel s’impose au notaire qui ne peut en être délié par l’autorité judiciaire, que pour la délivrance des expéditions et la connaissance des actes qu’il a établis, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

 

Portée et conséquences de la cassation

 

7. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

 

8. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

 

9. Il résulte des constatations de l’arrêt que la SCP notariale n’a pas dressé d’acte de notoriété. Celle-ci ne peut donc être contrainte ni de communiquer un acte qu’elle n’a pas établi ni des informations détenues par elle et soumises au secret professionnel.

 

PAR CES MOTIFS, la Cour :

 

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 29 octobre 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Montpellier ;

 

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;… »

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