Bail commercial, action en restitution d’un indu échu antérieurement à vente de l’immeuble : inopposabilité au locataire de la clause de subrogation de l’acquéreur dans les droits et obligations du vendeur

Alexandre BOULICAUT
Alexandre BOULICAUT - Juriste

Aux termes d’un arrêt en date du 16 mai 2024, la Cour de cassation juge que le locataire commercial peut agir en restitution de paiements indus effectués au titre de loyers et charges échus antérieurement à la vente des locaux objets du bail, à l’encontre de son bailleur originaire, alors même que l’acte de vente prévoit la subrogation de l’acquéreur dans les droits et obligations du vendeur.

SOURCE : Cass. civ 3ème, 16 mai 2024, n°22-19922, FS – B

Les faits de l’arrêt commenté sont les suivants : Un commandement de payer les loyers commerciaux, visant la clause résolutoire insérée au bail, est délivré. Afin d’éviter tout risque de résiliation anticipée de son bail, le locataire avait pris soin de s’acquitter dans le délai imparti des sommes visées au commandement, à titre conservatoire.

Les locaux objets du bail, ont été vendus. L’acte de vente prévoyait que l’acquéreur ferait son affaire personnelle (i) de la continuation ou de la résiliation des baux dont les biens sont l’objet, ainsi que de toutes les procédures qui pourraient survenir à compter de l’entrée en jouissance sans recours contre le vendeur, aux droits et obligations duquel il sera purement et simplement subrogé, et (ii) de tout contentieux qui pourrait se déclarer à compter du transfert de propriété, même si la cause en était directement ou indirectement antérieure.

Postérieurement à la vente, le locataire a assigné le vendeur en annulation du commandement de payer et en restitution des sommes prétendument indûment payées, lequel a appelé en la cause l’acquéreur des locaux.

Pour la juridiction d’appel, le fait pour le vendeur de percevoir les fonds, dont la restitution est demandée par le locataire, ne peut justifier que le vendeur soit maintenu en la cause, dans la mesure où l’acte de vente prévoyait expressément que l’acquéreur ferait son affaire personnelle de tout contentieux qui se déclarerait à compter du transfert de propriété même si la cause en était directement ou indirectement antérieure.

La Haute juridiction censure l’arrêt d’appel en toutes ses dispositions, et juge dans ses titrages et résumés qui constituent l’apport doctrinal de l’arrêt :

« Il résulte de la combinaison des articles 1165 et 1376, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1743, alinéa 1, du code civil qu’un locataire peut agir en restitution de paiements indus effectués au titre de loyers et charges échus antérieurement à la vente des locaux loués à l’encontre de son bailleur originaire, sans que celui-ci, qui reste tenu à son égard de ses obligations personnelles antérieures à la vente, ne puisse lui opposer une clause contenue dans l’acte de vente subrogeant l’acquéreur dans les droits et obligations du vendeur. En conséquence, doit être censuré, l’arrêt, qui pour mettre hors de cause le bailleur originaire à qui le locataire avait versé, antérieurement à la vente, les sommes prétendument indues au titre de charges locatives, retient que l’acte de vente des locaux loués stipulait une clause de subrogation de l’acquéreur dans les droits et obligations du vendeur pour tout contentieux qui se déclarerait à compter du transfert de propriété même si la cause en était directement ou indirectement antérieure et que seul l’acquéreur avait la qualité de bailleur au jour où le locataire a agi en répétition de l’indu »

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