Contrat d’assurance vie nanti en garantie d’un prêt : le prêteur a droit au paiement de la valeur de rachat jusqu’au remboursement du prêt

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

Source : Cass. civ. 1ère, 10 mars 2021, n° 20-11.917, FS-P

 

I – L’espèce

 

Une banque a consenti à une société deux prêts dont le terme était fixé le 30 juin 2011, garantis, selon deux avenants du 12 septembre 2007, par le nantissement d’un contrat d’assurance sur la vie. Le 9 décembre 2009, l’emprunteuse a été placée en redressement judiciaire et a bénéficié d’un plan de redressement arrêté par jugement du 7 juin 2011, prévoyant le remboursement des créances de la banque en 144 mensualités jusqu’au 30 juin 2023, qui a été résolu par jugement du 26 mars 2013 ayant, en outre, prononcé la liquidation judiciaire de l’emprunteuse.

 

Soutenant que la garantie accordée était venue à terme le 30 juin 2011, le souscripteur du contrat d’assurance vie a, par actes du 26 septembre 2012, assigné l’assureur et la banque aux fins d’exercer ses droits sur le contrat d’assurance et d’obtenir le paiement de dommages-intérêts. Parallèlement, la banque a exercé ses droits de rachat du contrat d’assurance sur la vie et, le 20 juin 2014, l’assureur a versé à la banque la valeur de rachat.

 

La banque ayant été condamnée à payer au souscripteur une certaine somme au titre de la valeur de rachat, la banque et l’assureur ont formé un pourvoi en cassation.

 

II – Le pourvoi

 

La Cour de cassation rappelle  qu’il résulte des articles 1234 et 1185 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, qu’un contrat de prêt prend fin lors du remboursement des fonds prêtés, nonobstant l’existence éventuelle d’un rééchelonnement des échéances.

 

Selon les articles 2355 et 2365 du même code, le nantissement est l’affectation, en garantie d’une obligation, d’un bien meuble incorporel ou d’un ensemble de biens incorporels, présents ou futurs et, en cas de défaillance du débiteur, le créancier nanti peut attendre l’échéance de la créance nantie pour se faire attribuer la créance donnée en nantissement.

 

Pour la Haute juridiction, il s’en déduit que, sauf volonté contraire des parties, le prêteur, bénéficiaire du nantissement d’un contrat d’assurance sur la vie donné en garantie du remboursement du prêt, a droit au paiement de la valeur de rachat tant que celui-ci n’a pas été remboursé.

 

Or, elle relève que pour condamner la banque à payer au souscripteur la valeur de rachat du contrat d’assurance sur la vie, l’arrêt d’appel constate, d’abord, que les deux avenants n’indiquent pas la durée de la garantie, mais le terme des prêts garantis du 30 juin 2011. Il énonce, ensuite, que la clause selon laquelle « l’adhérent s’engage à reconduire ou à renouveler à l’échéance le contrat d’assurance-vie pendant toute la durée du prêt ou de l’ouverture de crédit » signifie que, dans le cas où le contrat d’assurance arrive à terme avant les contrats de prêt, la durée de la garantie doit être prorogée jusqu’au terme des contrats de prêt, mais non que, dans l’hypothèse inverse, la durée de la garantie est prorogée au-delà de la durée des prêts et que les avenants de mise en gage n’indiquent pas que la garantie devra être prorogée jusqu’au remboursement intégral des prêts. Il en déduit alors que les contrats de nantissement doivent être interprétés en faveur de celui qui s’est engagé et que leur durée était celle des prêts expirant le 30 juin 2011.

 

Ainsi, pour la Haute juridiction en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le prêt n’avait pas été remboursé à cette date, sans relever une volonté expresse des parties de mettre fin au nantissement avant l’exécution de l’obligation de remboursement, la cour d’appel a violé les articles 1234 et 1185 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et les articles 2355 et 2365 du même code.

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