Source : Cass.3ème Civ., 16 janvier 2020, n°16-24.352
C’est ce que précise la Troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation, dans cette décision, publiée au bulletin, comme suit :
« …
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 29 juin 2016), que la SCI rue Paul Hervieu, assurée auprès de la société Axa, a fait procéder à des travaux de construction de logements après démolition des anciens bâtiments de l’Imprimerie nationale ; que sont intervenues au cours de cette opération la société Archipel, assurée auprès de la société MAF, en qualité de maître d’oeuvre, la société SICRA, en charge de l’ensemble des travaux, et la société VDSTP, sous-traitant chargé des terrassement et voiles périmétriques et assuré auprès de la SMABTP devenue la SMA ; qu’une première expertise a été ordonnée en référé préventif le 9 février 2000 ; qu’à la suite de désordres occasionnés aux propriétés voisines par une décompression de terrain, les consorts E… Y… ont sollicité une nouvelle expertise, ainsi que le paiement d’une provision par assignation en référé du 12 septembre 2008 ; que ces demandes ont été rejetées par ordonnance du 17 décembre 2008 ; que, par actes des 21 et 26 octobre 2011 et 4 novembre 2011, les consorts E… Y… ont assigné la SCI rue Paul Hervieu, la société Archipel, la société SICRA et la société VDSTP, ainsi que leurs assureurs respectifs, en indemnisation de leurs préjudices sur le fondement de troubles anormaux du voisinage ;
Attendu que les consorts E… Y… font grief à l’arrêt de déclarer leurs demandes prescrites, alors, selon le moyen :
1°/ que l’action fondée sur un trouble anormal de voisinage est de nature réelle et immobilière et se prescrit par trente ans, lorsqu’elle tend principalement à la réparation de désordres affectant la structure même d’un bien immobilier ; que la nature réelle ou personnelle de l’action se déduit de la nature du trouble invoqué ; qu’en l’espèce, après avoir constaté que les travaux en litige avaient porté atteinte à la structure même des biens immobiliers des consorts E… Y…, la cour a cependant écarté l’application de la prescription trentenaire, au motif que le trouble émanant du fonds voisin en travaux n’avait pas affecté le fonds dont les consorts E… sont propriétaires, dans ses caractères, dans ses avantages ou utilités, et ne s’était pas traduit par une affectation de leurs prérogatives de propriétaires, dès lors qu’un tel trouble aurait nécessité une réparation en nature, et non une réparation d’ordre pécuniaire, telle que celle réclamée par les consorts E… ; qu’en déniant à l’action fondée sur le trouble anormal de voisinage un caractère réel, au seul motif que la réparation sollicitée n’était pas en nature, mais d’ordre pécuniaire, la cour, qui a fait dépendre la nature de l’action, de la nature de l’indemnité réclamée et non de la nature du trouble, a violé l’article 2227 du code civil ;
2°/ que, dans son rapport d’expertise, M. J… indique : « 25 octobre 2001 : examen des nouveaux désordres dans les pavillons de la […] » et rappelle dans sa réponse au dire de Me H…, conseil des époux R… et E…, du 10 décembre 2001, « que les pavillons tant de M. E… que de M. R… ne sont pas fondés, ils sont posés sur une dalle sur les remblais et qu’il est inévitable, compte tenu des désordres de décompression de terrain, que ceux-ci ne soient pas encore stabilisés en décembre 2001 » ; qu’en énonçant qu’il résultait du rapport d’expertise que les désordres causés aux biens des consorts E… Y… avaient cessé de s’aggraver à la fin du mois de juillet 2001, la cour d’appel a dénaturé le rapport d’expertise et a violé l’article 1134 ancien du code civil ;
3°/ qu’en énonçant qu’il résultait du rapport d’expertise que les désordres avaient cessé de s’aggraver à la fin du mois de juillet 2001, sans répondre aux conclusions des appelants qui faisaient valoir que l’expert avait constaté l’existence de nouveaux désordres le 25 octobre 2001 et que les désordres de décompression de terrain n’étaient pas encore stabilisés en décembre 2001, de sorte que le point de départ du délai de prescription décennale ne pouvait être fixé avant le 1er janvier 2002, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que les actions en responsabilité exercées par les tiers à l’encontre des constructeurs se prescrivent pas dix ans à compter de la réception des travaux ; qu’en énonçant que le point de départ du délai de prescription décennal ne peut se situer à la date de réception des travaux, dès lors que ce délai particulier prévu en matière de construction, n’est pas applicable aux tiers à l’opération de construction, la cour d’appel a violé l’article 1792-4-3 du code civil ;
5°/ que l’interruption de la prescription est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l’instance, ou si sa demande est définitivement rejetée ; qu’en l’espèce, la cour a énoncé que le défaut de signification de l’ordonnance de référé ne pouvait faire échec au caractère non avenu de l’interruption de prescription résultant du rejet définitif des demandes formées dans le cadre du référé ; qu’en statuant de la sorte, alors que faute de signification de l’ordonnance de référé, une voie de recours suspensive d’exécution pourrait toujours être exercée à son encontre, de sorte que le rejet des demandes des consorts E… n’étant pas définitif, l’assignation en référé du 19 septembre 2008 a interrompu le délai de prescription, la cour d’appel a violé l’article 2243 du code civil ;
Mais attendu, d’une part, qu’ayant retenu à bon droit que l’action en responsabilité fondée sur un trouble anormal du voisinage constitue, non une action réelle immobilière, mais une action en responsabilité civile extra-contractuelle soumise à une prescription de dix ans en application de l’article 2270-1, ancien, du code civil, réduite à cinq ans à compter de l’entrée en vigueur de l’article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, le délai restant à courir à compter de l’entrée en vigueur de ce texte étant inférieur à cinq ans, et constaté, sans dénaturation du rapport d’expertise, que les désordres s’étaient stabilisés une fois les travaux de consolidation réalisés le 31 juillet 2001 sans aggravation ultérieure démontrée, la cour d’appel en a exactement déduit que le délai de prescription expirait le 31 juillet 2011, de sorte que l’action engagée le 25 octobre 2011 était prescrite ;… »