Tierce opposition : la déclaration au greffe ne peut être constituée par la lettre recommandée.

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

Source : Cass.Com., 17 février 2021, n°19-16470, n°157 P + L

 

Une procédure de redressement judiciaire est ouverte en 2013 à l’encontre d’une société puis étendue par jugement en 2015 à une personne physique. L’année qui suivra connaitre l’adoption du plan.

 

Tierce opposition est alors formé par un créancier par la voie de son Conseil qui adressera un courrier recommandé au greffe.

 

Si la Cour d’appel déclare irrecevable la tierce opposition, elle entrainera par sa décision un pourvoi à l’initiative du créancier.

 

La tierce opposition doit être formée par déclaration au greffe, c’est la lettre de l’article R661-2 du Code de commerce :

 

« Sauf dispositions contraires, l’opposition et la tierce opposition sont formées contre les décisions rendues en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire, de responsabilité pour insuffisance d’actif, de faillite personnelle ou d’interdiction prévue à l’article L. 653-8, par déclaration au greffe dans le délai de dix jours à compter du prononcé de la décision.

 

Toutefois, pour les décisions soumises aux formalités d’insertion dans un support d’annonces légales et au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, le délai ne court que du jour de la publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. Pour les décisions soumises à la formalité d’insertion dans un support d’annonces légales, le délai ne court que du jour de la publication de l’insertion. »

 

Il s’agit alors pour la Haute Cour de débattre sur la forme de cette opposition et notamment de dire si le courrier recommandé adressé au greffe vaut déclaration au greffe.

 

En rejetant le pourvoi, la Cour de cassation répond par la négative dans un attendu repris comme suit :

 

« 4. En premier lieu, l’arrêt retient exactement que la lettre recommandée avec demande d’avis de réception ne peut être assimilée à la déclaration au greffe qu’exige l’article R. 661-2 du code de commerce et en déduit à bon droit que M. E… n’a pas respecté la forme requise puisqu’il a adressé au tribunal une déclaration par lettre sans que personne ne se soit présenté au greffe pour faire la déclaration.

 

5.  En deuxième lieu, la tierce-opposition faite autrement que par déclaration au greffe étant irrecevable comme ne répondant pas au mode de saisine prescrit par la loi, et celui qui invoque l’irrecevabilité n’ayant pas, en conséquence, à justifier d’un grief, l’arrêt n’encourt pas la critique de la troisième branche.

 

6.  En dernier lieu, la réglementation relative aux formalités à observer pour former un recours vise à assurer la bonne administration de la justice et le respect, en particulier, du principe de la sécurité juridique, les intéressés devant s’attendre à ce que ces règles soient appliquées. Toutefois, une réglementation, ou l’application qui en est faite, ne doit pas empêcher le justiciable de se prévaloir d’une voie de recours disponible, et si le droit d’exercer un recours est soumis à des conditions légales, les tribunaux doivent, en appliquant des règles de procédure, éviter à la fois un excès de formalisme qui porterait atteinte à l’équité de la procédure, et une souplesse excessive qui aboutirait à supprimer les conditions de procédure établies par les lois.»

 

On retiendra de cet attendu que la déclaration au greffe ne peut être faite par lettre recommandée.

 

Ensuite, la Cour impose à celui qui entend se prévaloir de la tierce opposition doit faire physiquement le déplacement, la « déclaration » et que seule cette déclaration permet le respect du formalisme.

 

Enfin, le respect d’un formalisme strict permet d’assurer la bonne administration de la justice et la sécurité des justiciables en précisant que « les tribunaux doivent, en appliquant des règles de procédure, éviter à la fois un excès de formalisme qui porterait atteinte à l’équité de la procédure, et une souplesse excessive qui aboutirait à supprimer les conditions de procédure établies par les lois. »

 

La proportionnalité du déplacement au regard de la tierce opposition apparait conservée et n’enfreint donc pas le droit au procès équitable.

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