En 2010, une société organise une croisière pour récompenser ses salariés, lauréats d’un concours interne à l’entreprise, croisière en Floride.

Pendant cette croisière, une salariée avait reconnu avoir fumé le narguilé dans la cabine qu’elle partageait durant la croisière avec une autre salariée – enceinte – et avoir obstrué le détecteur incendie, détecteur qui était ensuite resté obstrué une partie de la matinée jusqu’à la découverte des faits par l’équipe de nettoyage, faits ayant justifié le débarquement anticipé de l’intéressée.

L’entreprise avait dû, en raison de ce débarquement anticipé, prendre des mesures d’urgence et engager des frais pour loger et rapatrier la salariée et avait fait valoir que son image avait été nécessairement dégradée par cet évènement à l’égard des 130 autres salariés participant à la même croisière.

La société avait donc licencié pour faute grave cette salariée.

Dans un arrêt du 22 janvier 2025[1], la Cour de cassation rappelle d’abord qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.

Ensuite, un trouble objectif dans le fonctionnement de l’entreprise résultant d’un fait tiré de la vie personnelle d’un salarié ne permet pas en lui-même de prononcer une sanction disciplinaire à l’encontre de celui par lequel il est survenu.

La Cour d’en conclure que doit dès lors être approuvé l’arrêt de la Cour d’appel qui, après avoir constaté que le licenciement avait été prononcé pour faute, pour des faits, qui bien que commis au cours d’un voyage organisé par l’employeur à titre de récompense, s’étaient déroulés hors du temps et du lieu de travail, ce dont il ressortait qu’il relevait de la vie personnelle du salarié et ne pouvait constituer un manquement aux obligations découlant de son contrat de travail, en déduit que ce licenciement disciplinaire est dénué de cause réelle et sérieuse, sans qu’il y ait lieu de rechercher si le comportement de l’intéressé avait créé un trouble caractérisé au sein de l’entreprise.

Pour écarter le trouble caractérisé causé dans l’entreprise, la Cour de cassation valide l’analyse de la Cour d’appel qui avait relevé que la société ne démontrait pas un trouble caractérisé causé dans l’entreprise, dont le fonctionnement était peu influencé par l’opinion des membres de l’équipage qui avaient pu être informés de l’incident, ni par les commentaires qu’avaient pu en faire les passagers et qu’aucune explication n’était donnée sur les éventuels faits de l’usage du narguilé sur la santé de la personne qui partageait la cabine de la salariée ni même sur une éventuelle opposition de celle-ci à un tel usage.

On restera quelque peu songeur face à l’analyse puisque le débarquement manu militari de cette même salariée avait manifestement occasionné des frais de logement et de rapatriement anticipé en France, outre l’émoi que peut susciter ce type de comportement à l’égard des salariés participant à cette croisière.

Quant à l’inhalation de fumée de narguilé par une femme enceinte, je laisse les médecins se prononcer…

Ceci étant, cet arrêt est un rappel intéressant sur la sanction du licenciement motivé par des faits commis au cours de la vie personnelle, ainsi le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et non nul.

On rapprochera cet arrêt d’un arrêt rendu récemment par la Cour de cassation le 25 septembre 2024 [2] qui avait opéré une distinction entre la vie personnelle du salarié et l’intimité de la vie privée.

Ainsi, lorsque le licenciement disciplinaire est fondé sur un motif tiré de la vie personnelle du salarié, la sanction est le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En revanche, lorsque le motif est tiré de l’intimité de la vie privée, il s’agit d’une violation de la liberté fondamentale et là, le licenciement est nul avec possibilité de demande de réintégration et indemnité d’éviction.

Dans un arrêt du 25 septembre 2024, la Cour de cassation avait expliqué la différence entre la vie personnelle et l’intimité de la vie privée.

En l’occurrence, la Cour de cassation, dans l’arrêt du 25 septembre 2024 [3], avait considéré que le licenciement motivé par l’utilisation de la messagerie professionnelle du salarié pour échanger des messages à caractère sexuel relevait du secret des correspondances, et ce même sur ses temps et lieu de travail.

La Cour de cassation avait indiqué que ces correspondances personnelles échangées relevaient de l’intimité de la vie privée, qu’elles étaient protégées par une liberté fondamentale.

Par conséquent, le licenciement était nul.

En revanche, dans un autre arrêt rendu le 25 septembre 2024, la Cour de cassation avait considéré que le fait pour un salarié conducteur de bus d’avoir été contrôlé positif au cannabis et être en possession de cannabis en dehors de ses heures de travail et dans son véhicule personnel, relevait non pas de l’intimité de la vie privée mais uniquement de la vie personnelle.

Par conséquent, la sanction est le licenciement sans cause réelle et sérieuse et non le licenciement nul.


[1] Cass. Soc. 22 janvier 2025, n°23-10.888

[2] Cass. Soc. 25 septembre 2024, n°22-20.672

[3] Cass. Soc. 25 septembre 2024, n°23-11.860

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