Les résidents belges cédant des parts d’une SCI française détenant des immeubles en France sont imposables sur les plus-values constatées à cette occasion en France

Caroline DEVE
Caroline DEVE - Avocat

Source : Conseil d’Etat du 24/02/2020 n°436392

 

La convention fiscale franco-belge signée en 1964 accorde au pays de situation de l’immeuble le droit d’imposer « les revenus provenant des biens immobiliers, y compris accessoires, ainsi que le cheptel mort ou vif des entreprises agricoles et forestières » ainsi que « les bénéfices résultant de l’aliénation des biens immobiliers ». L’article 3 précise en outre que « la notion de bien immobilier se détermine d’après les lois de l’Etat contractant où est situé le bien considéré ».

 

La notion de bien immobilier se pose pour la cession des titres de société à prépondérance immobilière : les titres d’une SCI doivent-ils ou non être considérés comme des biens immobiliers au sens de la convention franco-belge ? Ces titres donnent effectivement accès à des immeubles mais sont juridiquement des biens meubles.

 

La question est cruciale car si la cession des titres d’une SCI française par un résident belge est considérée comme la cession d’un bien meuble, l’article 3 ne s’applique pas et c’est l’article « balai » (article 18 de la convention franco-belge) qui s’applique, lequel prévoit «  Dans la mesure où les articles précédents de la présente convention n’en disposent pas autrement, les revenus des résidents de l’un des États contractants ne sont imposables que dans cet État ».

 

En d’autres termes, l’imposition est due en Belgique, ce qui est beaucoup plus intéressant pour les résidents belges que d’avoir à supporter un prélèvement de 19% prévu par l’article 244 bis A du Code Général des Impôts.

 

L’administration fiscale française estime que les titres d’une société à prépondérance immobilière doivent être assimilés à un bien immobilier. Elle se base sur le paragraphe 2 du protocole final de la convention franco-belge qui stipule « L’article 15, paragraphe 1, ne s’oppose pas à ce que la France, conformément aux dispositions de sa loi interne, considère comme des biens immobiliers, au sens de l’article 3 de la Convention, les droits sociaux possédés par les associés ou actionnaires des sociétés qui ont, en fait, pour unique objet, soit la construction ou l’acquisition d’immeubles ou de groupes d’immeubles en vue de leur division par fractions destinées à être attribuées à leurs membres en propriété ou en jouissance, soit la gestion de ces immeubles ou groupes d’immeubles ainsi divisés ».

 

Elle en déduit, aux termes du BOI INT-CVB-BEL-10-10, n°130, que « le paragraphe 2 du protocole susvisé n’ayant pas un caractère limitatif, il convient de considérer que le même caractère doit être reconnu aux droits détenus dans des sociétés dont l’actif est constitué principalement par des terrains à bâtir ou des biens assimilés, ainsi qu’aux droits détenus dans des sociétés civiles immobilières de toute nature non régies par l’article 1655 ter du code général des impôts et dont le patrimoine est composé essentiellement par des immeubles autres que des terrains à usage agricole ou forestier ».

 

Un résident belge, personne physique, ayant été assujetti à l’impôt en France sur la plus-value de cession constatée à l’occasion de la cession des titres qu’il détenait au capital d’une SCI française, a saisi le Conseil d’Etat d’un recours en excès de pouvoir afin de voir annuler la doctrine administrative ci-dessus reprise, estimant que ces commentaires interprètent de façon inexacte la convention franco-belge, ce qui était à l’origine de l’imposition mise à sa charge.

 

Le Conseil d’Etat rejette la requête du résident belge et profite de l’espèce pour préciser les conditions d’application de la convention franco-belge en cas de cession de titres de SCI française par un résident belge.

 

Sur la notion de bien immobilier le Conseil d’Etat juge qu’«il convient, conformément aux stipulations de cet article [article 3 de la convention], de se référer aux lois de l’Etat contractant où est situé le bien considéré. Sont dépourvus d’incidence à cet égard, les stipulations du paragraphe 2 du protocole final de cette convention, qui ont pour unique objet de qualifier de biens immobiliers, au sens de la convention, les parts de sociétés relevant de l’article 1655 ter du code général des impôts ».

 

Le Conseil d’Etat infirme ainsi le raisonnement de l’administration fiscale pour considérer les titres de SCI comme des biens immobiliers mais motive différemment sa position pour parvenir à un résultat identique.

 

Il rappelle en effet que l’article 244 bis A du Code Général des Impôts, applicable aux plus-values immobilières réalisées par des personnes physiques non résidentes, soumet ces dernières, lorsqu’elles cèdent des parts détenues « dans des sociétés ou organismes, quelle qu’en soient la forme, dont l’actif est principalement constitué, directement ou indirectement de biens ou droits immobiliers » à un prélèvement sur la plus-value.

 

Il juge en conséquence que « la loi fiscale assimile ainsi à des biens immobiliers, notamment, les parts des sociétés civiles à prépondérance immobilière, lors de leur aliénation par une personne qui n’est pas fiscalement domiciliée en France ».

 

Le Conseil d’Etat tranche en faveur des règles fiscales et non civiles pour apprécier la notion de bien immobilier au sens de la convention franco-belge sur des bases plus solides que celles retenues par l’administration fiscales, réduisant ainsi les chances de contestation de cette position pour les résidents belges se voyant imposer en France.

 

Par ailleurs, cet arrêt remet en cause la décision du jugement du TA de MONTREUIL du 7 juin 2019 no 1705505 qui a prononcé la décharge au profit de résidents belges assujettis au prélèvement de l’article 244 bis A du Code Général des Impôts suite à la cession de titres de d’une SCI française au motif que celle-ci était soumise à l’IS.

 

Cette juridiction avait en effet considéré que l’article 3 de la convention franco-belge n’était pas applicable dès lors, qu’en droit français, l’imposition de la plus-value constatée par des contribuables résidents français à l’occasion de la cessions de titres de société à prépondérance immobilière soumise à l’IS relève exclusivement du régime d’imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux prévu aux articles 150-0 A et suivants du CGI.

 

Dans l’arrêt commenté, le Conseil d’Etat se base uniquement sur la règle applicable aux non-résidents (le spécial devant déroger au général). Or l’article 244 bis A du Code Général des Impôts s’applique quelque soit le régime fiscal de la société dont les titres sont cédés.

 

En résumé, la plus-value constatée par un résident belge cédant des titres d’une société française à prépondérance immobilière, que celle-ci soit ou non soumise à l’IS, est redevable, au regard de la convention fiscale franco-belge et par renvoi à la législation française, du prélèvement prévu à l’article 244 bis A du Code Général des Impôts.

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