Droit d’option du bailleur : dispense de conditions de forme et du rappel de la prescription

Thomas Chinaglia

Le bailleur qui décide d’user de son droit d’option ne peut voir sa demande soumise à des conditions de forme. Qui plus est, sa demande n’a pas à mentionner le délai de prescription applicable pour toute contestation en justice et n’a pas à être motivée.

3ème civ. 27 mars 2025, n° 23-20.030

I –

En l’espèce, un bail commercial a été conclu pour une durée initiale de neuf années devant courir du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2016. Durant l’été 2016, le preneur décide de former une demande de renouvellement du bail, respectant le délai de préavis d’au moins six mois avant l’arrivée du terme dudit contrat. Le renouvellement du bail devait prendre effet au 1er janvier 2017.

En janvier 2018, le bailleur notifiait au preneur un mémoire pour demander une augmentation du loyer. Le preneur refusa le montant du nouveau loyer demandé par le bailleur. Ce dernier signifia de ce fait son droit d’option en juin 2018, déclarant refuser le renouvellement du bail et ce, conformément à l’article L.145-57, alinéa 2 du Code de commerce.

Durant une période de deux ans, la situation n’évolua pas, aucune initiative fut prise par l’une des parties afin de mettre définitivement fin au contrat.

En septembre 2020, le preneur décide de réagir et se décide à engager une procédure judiciaire dans l’optique de demander que le droit d’option du bailleur soit annulé et que le renouvellement du bail commercial soit ainsi reconnu.

Les juges du fonds, confirmés par la Cour de cassation, jugent que l’action du preneur était prescrite et qu’elle encourait donc un cas d’irrecevabilité.

II –

II – 1. La question de la prescription

Par principe, toutes les actions fondées sur le statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans, conformément à l’article L.145-60 du Code de commerce.

Les juges du fonds avaient déjà décidé que le preneur ayant reçu la signification d’un droit d’option (c’est-à-dire un refus de renouvellement) devait agir dans un délai de deux ans à compter de ladite signification pour demander le paiement d’une indemnité d’éviction[1]. Ainsi, le preneur qui n’agissait pas dans le délai susvisé perdait l’intégralité des droits issus du statut des baux commerciaux, notamment sa possibilité de demander le paiement d’une indemnité d’éviction et sa possibilité de se maintenir dans les lieux[2].

En l’espèce, il est quasi certain que le preneur avait conscience du caractère prescrit de son action en paiement d’une indemnité d’éviction. Il tenta ainsi de contourner cette difficulté en demandant non pas le paiement d’une indemnité d’éviction mais l’annulation pure et simple du droit d’option du bailleur.

Les juges du fond décident que cette action demeure vaine dans la mesure où elle devait être menée dans le délai de prescription de deux ans également. Le principe est en effet posé selon lequel l’action en nullité d’un acte tel qu’un congé, une demande de renouvellement ou l’exercice d’un droit d’option doit être engagée dans le délai de deux ans à compter de l’acte contesté[3].

En revanche, l’exercice même du droit d’option n’est enfermé dans un aucun délai de prescription. La raison justifiant cette différence réside dans le fait que l’exercice du droit d’option ne doit pas être assimilé à une demande en justice.

Néanmoins, le droit d’option ne peut plus être exercé lorsque le bail a été définitivement renouvelé, après accord exprès ou tacite sur le prix du nouveau loyer[4]. De plus, l’action en fixation du loyer du bail renouvelé peut également se trouver prescrite et empêcher ainsi tout exercice du droit d’option. En effet, si dans les deux ans du renouvellement du bail, aucune initiative n’a été prise par les parties, le bail se trouve alors définitivement renouvelé à l’ancien prix, empêchant ainsi tout exercice du droit d’option[5].

En l’espèce, le bailleur avait exercé son droit d’option dans les deux ans suivant la date du renouvellement du bail commercial. La Cour de cassation approuve ainsi les juges du fond d’avoir jugé que le bailleur conservait la faculté d’exercer son droit d’option tant que l’action en fixation du loyer n’était pas prescrite.

II – 2. La dispense de toute condition de forme

Afin de faire annuler l’exercice du droit d’option du bailleur afin de provoquer le renouvellement définitif du bail commercial, le preneur soutenait que le droit d’option était nul dans la mesure où il ne mentionnait pas le délai de prescription biennale.

Le preneur pensait pouvoir fonctionner par analogie avec la règle posée en matière de congés ; celle de mentionner le délai de deux ans.

Néanmoins, l’article L.145-57 du Code de commerce fondant notamment l’exercice du droit d’option, n’exige aucune forme particulière ni formalisme particulier. Si le refus de renouvellement s’exprimant dans un congé ou dans une réponse à une demande de renouvellement doit, à peine de nullité, informer le preneur qu’il dispose d’un délai de deux ans pour demander le paiement d’une indemnité d’éviction, tel n’est pas le cas lorsque le refus s’inscrit au travers de l’exercice du droit d’option.

II – 3. La dispense de toute motivation de l’option

L’exercice du droit d’option n’a pas à être motivé.

Une nouvelle fois, le preneur pensait pouvoir fonctionner par analogie avec les règles posées pour les congés et leur refus ; les motifs pour lesquels ils sont donnés devant être précisés au sein des actes correspondants. Malheureusement pour le preneur, tel n’est pas le cas dans le cadre de l’exercice du droit d’option par le bailleur.

Cette affirmation appelle néanmoins quelques réserves.

Si le bailleur refusant le paiement d’une indemnité d’éviction à travers l’exercice de son droit d’option, la question de se pose de savoir s’il ne serait quand même pas nécessaire pour ce dernier de faire connaître au preneur les motifs d’un tel refus ?

Si l’on dispense le bailleur de toute motivation, même lorsqu’il refuse le paiement de l’indemnité d’éviction, on l’autorise à invoquer n’importe quel motif dans le cadre de la nouvelle procédure qui sera engagée, même des motifs postérieurs à la notification du droit d’option.

Ainsi, si le bailleur pouvait se taire sur les motifs d’un tel refus sans être inquiété, ce dernier pourrait être tenté à l’avenir de signifier un congé avec offre de renouvellement puis, peu de temps après, un droit d’option.


[1] Civ. 3e, 31 mars 2016, n° 14-28.21

[2] Civ. 3e, 5 sept. 2012, n° 11-19.200

[3] Civ. 3e, 17 juin 2021, n° 19-15.865

[4] Civ. 3e, 19 mai 1993, n° 91-16.25

[5] Civ. 3e, 4 oct. 1994, n° 92-21.943

Partager cet article