Cautionnement donné par une Société Anonyme : la nécessaire autorisation du conseil d’administration

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

Source : Cass.Com., 31 mars 2021, n°19-13974, n°299 FD

 

En l’espèce, un directeur général d’une société anonyme souscrira au nom de la société un cautionnement en garantie des engagements souscrits par sa filiale dans une opération de bail commercial.

 

La filiale, preneuse, bénéficiera d’une procédure collective entrainant la délivrance d’une assignation à la caution en paiement des loyers et charges.

 

La Cour d’appel condamnera la caution en retenant la théorie du mandat apparent. En effet, le dirigeant n’avait pas été autorisé à engager la société en qualité de caution dans l’opération.

 

La Cour d’appel prend appui sur les dispositions de l’article L225-35 du Code de commerce qui précise :

 

« Le conseil d’administration détermine les orientations de l’activité de la société et veille à leur mise en oeuvre, conformément à son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. Il prend également en considération, s’il y a lieu, la raison d’être de la société définie en application de l’article 1835 du Code civil. Sous réserve des pouvoirs expressément attribués aux assemblées d’actionnaires et dans la limite de l’objet social, il se saisit de toute question intéressant la bonne marche de la société et règle par ses délibérations les affaires qui la concernent.

 

Dans les rapports avec les tiers, la société est engagée même par les actes du conseil d’administration qui ne relèvent pas de l’objet social, à moins qu’elle ne prouve que le tiers savait que l’acte dépassait cet objet ou qu’il ne pouvait l’ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve.

 

Le conseil d’administration procède aux contrôles et vérifications qu’il juge opportuns. Le président ou le directeur général de la société est tenu de communiquer à chaque administrateur tous les documents et informations nécessaires à l’accomplissement de sa mission.

 

Les cautions, avals et garanties donnés par des sociétés autres que celles exploitant des établissements bancaires ou financiers font l’objet d’une autorisation du conseil, qui en limite le montant, dans les conditions déterminées par décret en Conseil d’Etat. Ce décret détermine également les conditions dans lesquelles le dépassement de cette autorisation peut être opposé aux tiers. Le conseil peut toutefois donner cette autorisation globalement et annuellement sans limite de montant pour garantir les engagements pris par les sociétés contrôlées au sens du II de l’article L. 233-16 du présent code. Il peut également autoriser le directeur général à donner, globalement et sans limite de montant, des cautions, avals et garanties pour garantir les engagements pris par les sociétés contrôlées au sens du même II, sous réserve que ce dernier en rende compte au conseil au moins une fois par an. Le directeur général peut également être autorisé à donner, à l’égard des administrations fiscales et douanières, des cautions, avals ou garanties au nom de la société, sans limite de montant. »

 

Ainsi, la Cour d’appel de préciser :

 

« 6. Pour condamner la société Eurogroup à verser une certaine somme à M. et Mme A…, l’arrêt, après avoir relevé qu’aucun élément du dossier ne permettait de démontrer que la société Eurogroup avait autorisé son dirigeant, M.Y…, à l’engager en qualité de caution de sa filiale, énonce que si l’acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté, il le devient lorsque le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant. Relevant ensuite, notamment, que le bail lui-même porte stipulation de l’engagement de caution de la société Eurogroup, dont le dirigeant est aussi celui de la société preneuse, sa filiale, qu’aux yeux des particuliers acquérant un bien immobilier aux fins de location, l’engagement de caution apparaissait comme tout à fait normal et légitime, la garantie des loyers donnée permettant au promoteur de commercialiser les biens qu’il avait construits, et que les bailleurs n’ont pas commis de négligence puisque, tout à fait profanes en la matière, ils n’avaient pas à vérifier l’étendue des pouvoirs de M. Y…, l’arrêt en déduit que les conditions requises pour que le mandat de M. Y… puisse être qualifié de mandat apparent sont réunies et que M. et Mme A… peuvent donc se prévaloir d’un cautionnement contre la société Eurogroup »

 

Censure de la Cour de cassation qui fait une application stricte du texte ci-dessus rappelé, les bailleurs n’ont pu se fonder sur la théorie apparente.

 

Autrement dit, les tiers ne peuvent invoquer la théorie du mandat apparent et doivent vérifier que l’autorisation a été donnée au directeur général même en présence de circonstances particulières.

 

Le tiers bénéficiaire doit alors s’assurer des conditions d’octroi de la garantie et notamment des pouvoirs du signataire.

 

Voir à ce sujet :

 

  com., 6 mai 1986, n° 85-12.862, P+B ;

 

  com., 24 février 1987, n° 84-11.474, P+B

 

  com., 4 octobre 1988, n° 86-16.560

 

  com. 28 avril 1987, n° 85-16.956, P

 

  com., 15 octobre 1991, n° 89-19.969, P

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