Apport à une société effectué à une valeur délibérément majorée

Caroline DEVE
Caroline DEVE - Avocat

Source : Conseil d’Etat 20/10/2021 n°445686, mentionné dans les tables du recueil Lebon

 

Un contribuable a consenti à une société dont il détenait le contrôle plusieurs apports et a reçu en contrepartie des titres de la société bénéficiaire.

 

L’administration fiscale, estimant qu’un des apports avait été consenti à une valeur plus importante que la valeur réelle des titres apportés, a considéré que l’apporteur avait bénéficié de la part de la société bénéficiaire d’un avantage occulte. Elle a en conséquence, au visa de l’article 111 C du CGI, soumis l’apporteur à des rehaussements en matière d’impôt sur le revenu.

 

Le contribuable a contesté les rehaussements qui ont été validés par les juridictions du fond. Un pourvoi en cassation a donc été formé.

 

Le Conseil d’État casse et annule l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel et juge « La seule circonstance qu’une société bénéficie d’un apport pour une valeur que les parties ont délibérément majorée par rapport à la valeur vénale de l’objet de la convention ne saurait par elle-même traduire l’existence d’un appauvrissement de la société bénéficiaire de l’apport au profit de l’apporteur ».

 

Le Conseil d’État censure ainsi la Cour Administrative d’Appel ayant fait une application « symétrique » de l’arrêt Cérès[1] aux termes duquel il a été jugé que l’apport à une société à une valeur délibérément minorée emportait une libéralité au profit de la société bénéficiaire.

 

Dans ces conclusions, le rapporteur public de cette affaire, Monsieur Romain Victor, rappelle tout d’abord les opérations d’apport sont en principe sans influence sur la détermination du bénéfice imposable de la société bénéficiaire et ce n’est que par exception que l’administration fiscale peut corriger la valeur d’origine de l’apport lorsqu’une minoration délibérée de l’apport, pour dissimuler une libéralité au profit de la société bénéficiaire, a eu lieu,.

 

Pour appliquer de façon symétrique l’arrêt Cérès, il faudrait être certain que l’apport consenti à une valeur délibérément majorée a pour conséquence d’appauvrir la société et d’enrichir l’apporteur.

 

Or, cela n’est pas forcément le cas.

 

Si, par exemple, l’apporteur est l’unique associé de la société bénéficiaire, l’opération d’apport est neutre pour lui.

 

De la même façon, l’appauvrissement de la société bénéficiaire n’est pas évident puisque l’émission de titres en rémunération de l’apport ne coûte rien à une société.

 

[1] Conseil d’Etat 9/05/2018, plen, n°387071

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