Action en résolution d’un contrat conclu avant mais résolu après l’ouverture d’une liquidation judiciaire

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

Source : Cass.Com., 15 juin 2022, n° 21-10802, n°397 B

Pour bien comprendre la décision commentée, il y a lieu de revenir sur l’aspect factuel de l’arrêt commenté.

Des particuliers font l’acquisition d’un bien en l’état futur d’achèvement d’une SCI à l’aide d’un prêt bancaire. Les époux commence à verser des fonds à la SCI mais cette dernière fera l’objet d’une liquidation judiciaire.

On précisera que le bien ne sera pas livré aux époux. C’est ainsi qu’ils assignent la SCI sur deux fondement : le premier est une action en résolution de la vente et la seconde en indemnisation.

La Cour d’appel fera droit à la demande de recevabilité de l’action en résolution mais également à l’indemnisation.

Un pourvoi est alors formé.

La Cour cassera partiellement l’arrêt d’appel. On distinguera alors les deux actions :

Sur la résolution du contrat :

« Réponse de la Cour

9. Il résulte des articles L. 622-21, I, et L. 641-3 du code de commerce que le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent.

10. Il s’ensuit que l’action en résolution d’un contrat pour inexécution d’une obligation autre qu’une obligation de payer une somme d’argent n’est ni interrompue ni interdite par le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire.

11. Ayant relevé que M. et Mme [V] demandaient la résolution du contrat de vente conclu avec la SCI Les Gaudinelles pour manquement de celle-ci à son obligation de livraison du bien, soit pour une cause autre que le non-paiement d’une somme d’argent, la cour d’appel en a exactement déduit que cette action, qui n’était pas interdite, était recevable, peu important que M. et Mme [V] aient demandé, en outre, à la cour d’appel de dire que la SCI Les Gaudinelles devait leur restituer les fonds déjà payés.

12. Le moyen n’est donc pas fondé. »

La Cour de cassation approuve la Cour d’appel en précisant que l’action en résolution n’était pas prohibée par les textes relatifs à l’ouverture d’une liquidation judiciaire.

Sur l’action en indemnisation relative à la résolution du contrat :

« Réponse de la Cour

14. Vu les articles L. 622-17, L. 622-21, I, L. 624-2, L. 641-3, L. 641-13 et L. 641-14 du code de commerce :

15. Il résulte du premier, du deuxième, du quatrième et du cinquième de ces textes que lorsqu’un contrat conclu avant l’ouverture de la procédure collective est résolu, après l’ouverture de cette procédure, pour inexécution d’une obligation autre qu’une obligation de payer une somme d’argent, la créance de restitution, bien que née postérieurement à l’ouverture de la procédure collective, ne peut bénéficier du traitement préférentiel prévu par ces dispositions, faute d’être née pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période.

16. En conséquence, le débiteur ne peut être condamné à payer cette créance de restitution et, conformément aux dispositions du troisième et du sixième de ces textes, le créancier, après l’avoir déclarée, ne peut en faire constater le principe et fixer le montant qu’en suivant la procédure de vérification des créances devant le juge-commissaire.

17. Pour condamner la SCI Les Gaudinelles à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros, après avoir jugé que le manquement de cette société à son obligation de livrer le bien en cause justifiait la résolution du contrat, l’arrêt retient que la créance de restitution est une créance postérieure à l’ouverture de la procédure collective et, par conséquent, n’est pas soumise à déclaration au passif de la procédure.

18. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

La Cour d’appel est ici sanctionnée. En effet, si l’action en résolution est possible puisqu’elle ne porte pas sur une obligation de payer une somme d’argent, l’action en indemnisation se heurte aux principes fondamentaux des procédures collectives. La créance de restitution n’est alors pas une créance « méritante » définie par le Code de commerce. La créance devra alors être déclarée et vérifier par le Juge commissaire.

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