Source : Cass.Com., 9 mars 2022, n°20-16277, n°169 F-B
Alors qu’une banque octroie un prêt à une société, son président, associé majoritaire, se rend garant par la signature d’un acte de cautionnement.
La liquidation judiciaire de la société en date du 15 mai 2016 contraindra le créancier a recherché le paiement sa créance auprès de la caution qui lui opposera son devoir de mise en garde.
Le garant considère en effet que la banque commet une faute lorsqu’elle n’est pas capable de vérifier l’adéquation du prêt octroyé avec les capacités financières de la société emprunteuse.
Pour aller plus loin dans ce raisonnement, la caution estime que la banque n’a pas sollicité les éléments comptables prévisionnels fondant le démarrage de la société.
Ce point est précisément relevé par la Cour d’appel de VERSAILLES :
« le prêt dont a bénéficié la société cautionnée par son président lui a été accordé au début de son activité puisque l’objet du financement était le ‘lancement’ du fonds de commerce exploité par la société et il n’est pas indiqué par [la banque] qu’il lui aurait été remis des éléments comptables sur l’activité prévisionnelle de la société, la banque ne versant aux débats que le projet présentant la structure sans éléments comptables précis »
Le pourvoi ne réservera pas un meilleur accueil au raisonnement du garant, l’arrêt précisant :
« Réponse de la Cour
- Pour établir que le banquier dispensateur de crédit était tenu, à son égard, d’un devoir de mise en garde, la caution non avertie doit établir qu’à la date à laquelle son engagement a été souscrit, celui-ci n’était pas adapté à ses capacités financières ou qu’il existait un risque d’endettement né de l’octroi du prêt, lequel résultait de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur. La circonstance que la banque a octroyé le prêt sans disposer d’éléments comptables sur l’activité prévisionnelle de l’emprunteur ne dispense pas la caution d’établir l’inadaptation de ce prêt aux capacités financières de l’emprunteur.
- L’arrêt relève que M. [Y], président de la société ANL motos, ne produit aucun document comptable relatif à cette société lors du démarrage de son activité et que, selon la déclaration de créance du 30 mars 2016, les échéances du prêt cautionné avaient été payées jusqu’à la date de l’ouverture de la procédure collective.
- L’arrêt retient encore que le patrimoine déclaré par M. [Y] à la banque à la date du cautionnement s’évalue, après déduction des emprunts encore en cours, à la somme totale de 301 243,93 euros et que, sans même tenir compte de ses revenus déclarés, il ne peut davantage être considéré que son engagement n’était pas adapté à ses capacités financières.
En l’état de ces énonciations et constatations souveraines, desquelles il résulte que M. [Y] n’apportait pas la preuve lui incombant que le prêt litigieux était inadapté aux capacités financières de la société ALN motos ou à ses propres capacités financières, la cour d’appel, qui n’a pas adopté les motifs du jugement critiqués par les troisième et quatrième branches, rendus surabondants, a pu retenir qu’il ne pouvait être reproché à la banque d’avoir manqué à son devoir de mise en garde.
- Le moyen n’est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ; »
Ainsi, l’absence de document n’est pas à elle seule constitutive d’un manquement fautif de la banque et il appartient à la caution de prouver l’inadaptation du prêt aux capacités de l’emprunteur au jour de la souscription.
Enfin, il faut souligner en l’espèce que le prêt étant régulièrement payé jusqu’à la date d’ouverture de la procédure collective, que le patrimoine déclaré par la caution sur la fiche de renseignement ne démontrait pas une disproportion de sorte qu’aucune faute ne pouvait être reprochée à la banque.
Attention toutefois, la réforme du droit des suretés vient modifier l’article 2299 du Code civil faisant peser sur la banque un devoir de mise en garde à l’encontre de toutes les cautions personnes physiques, averties ou non.
Article 2299 du Code civil :
Le créancier professionnel est tenu de mettre en garde la caution personne physique lorsque l’engagement du débiteur principal est inadapté aux capacités financières de ce dernier.
A défaut, le créancier est déchu de son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi par celle-ci.