Licenciement notifié pour faute lourde : l’absence d’intention de nuire n’a pas pour effet de rendre automatiquement le licenciement sans cause réelle et sérieuse

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

SOURCE : Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 16/09/2020 n°18-25.943 F-P+B

 

Une salariée, engagée par une association d’union des commerçants depuis le 29 janvier 2002 et exerçant les fonctions de coordinatrice, a fait l’objet d’un licenciement pour faute lourde le 12 septembre 2014, son employeur lui reprochant le non encaissement de 135 chèques correspondants aux droits d’emplacement de la braderie 2014, considérant que ce fait a entraîné un retard de trésorerie préjudiciable à l’association ainsi qu’un préjudice d’image auprès des émetteurs de ces chèques, qui ont été débités près de 3 mois après la date prévue et ont dû s’assurer que le solde de leur compte bancaire permettait ce règlement.

 

La salariée ayant contesté son licenciement devant la juridiction prud’hommale, cette affaire a été examinée par la Cour d’Appel de Nancy, laquelle dans un arrêt du 26 septembre 2018 a considéré que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et a condamné l’employeur à payer à la salariée l’indemnité de préavis, l’indemnité de licenciement ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

En suite de cette décision, l’employeur forme un pourvoi en cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, l’employeur reproche à l’arrêt d’appel d’avoir considéré le licenciement comme étant sans cause réelle et sérieuse sur le seul motif de l’absence d’intention de nuire, qui seul caractérise la faute lourde du salarié.

 

Autrement dit, l’employeur reproche à l’arrêt d’appel de ne pas avoir recherché si les faits reprochés par la lettre de licenciement pouvaient caractériser une faute justifiant le licenciement de la salariée pour faute grave ou à tout le moins pour cause réelle et sérieuse.

 

Bien lui en prit, puisque la Chambre Sociale, énonçant que s’agissant d’un licenciement prononcé à titre disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l’encontre du salarié et les conséquences que l’employeur entend en tirer quant aux modalités de la rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués, de sorte qu’en considérant que le licenciement de la salariée était sans cause réelle et sérieuse sans rechercher si les faits reprochés à la salariée n’étaient pas constitutifs d’une faute grave ou d’une faute de nature à conférer une cause réelle et sérieuse au licenciement, la Cour d’Appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

 

Par suite, la Chambre Sociale de la Haute Cour casse et annule l’arrêt d’appel en ce qu’il a dit le licenciement de la salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné l’association à lui payer les indemnités de préavis, de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

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