Source : Cass. civ. 1ère, 3 avril 2019 n°18-15.177, FS-PB
I – Le principe
L’article 215 alinéa 3 du Code civil dispose notamment que « les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille (…) ». C’est une mesure de protection, qui n’est cependant pas immuable face aux droits des créanciers.
I – L’espèce
Un époux, propriétaire indivis avec sa femme d’un immeuble servant au logement de la famille, est mis en liquidation judiciaire. Le liquidateur demande le partage de l’indivision et la vente de ce bien en un seul lot, sur le fondement de l’article 815 du Code civil, autorisant les indivisaires à provoquer le partage.
Une cour d’appel accueille cette demande, estimant que l’article 215 du Code civil n’est pas applicable lorsqu’une vente forcée est poursuivie par le liquidateur judiciaire d’un des époux. Peu importe que l’action ait été engagée sur le fondement de l’article 815 en tant que représentant du débiteur ou de l’article 815-17 du Code civil, qui autorise les créanciers à provoquer le partage.
Les indivisaires saisissent la Cour de cassation de la question.
II – Le pourvoi en cassation
L’arrêt est censuré par la Haute Juridiction : l’article 215, alinéa 3 du Code civil est applicable à une demande en partage d’un bien indivis par lequel est assuré le logement de la famille fondée sur l’article 815 du Code civil.
Par suite, la demande de partage ne pouvait être que rejetée dès lors que le liquidateur agissait au lieu et place de l’époux débiteur dessaisi et que l’immeuble en indivision dont il était demandé le partage et la vente en un seul lot constituait le logement de la famille.
Le liquidateur judiciaire d’un débiteur propriétaire indivis d’un immeuble peut agir en partage et licitation sur deux fondements :
En tant que représentant des créanciers personnels de l’indivisaire en liquidation (C. civ. art. 815-17 ; C. com. art. L 641-4 ; Cass. com. 3 octobre 2006 no05-16.463 F-PB) ;
Au lieu et place du débiteur dont il exerce les droits et actions (C. civ. art. 815 ; C. com. art. L 641-9 ; Cass. com. 3 décembre 2003 no 01-01.390, FS-P ; Cass. civ. 1ère, 29 juin 2011, no 10-25.098 F-PBI) ;
Ainsi, en cas de liquidation judiciaire d’un indivisaire, le dessaisissement dont il est frappé s’étend à l’exercice de ses droits dans l’indivision dont il est membre[1], de sorte que le liquidateur, qui exerce les droits et actions du débiteur dessaisi en application de l’article L.641-9, I-al. 1 du Code de commerce, est recevable à agir en partage de l’indivision sur le fondement de l’article 815 du Code civil[2].
Cette règle, précise la Cour de cassation dans l’arrêt ci-dessus, ne vaut pas cependant lorsque le bien indivis constitue le logement de la famille, redonnant ainsi toute sa force à la protection de l’article 215. Ainsi ni l’époux débiteur ni le liquidateur agissant à sa place en cas de liquidation judiciaire ne peuvent demander le partage de l’immeuble indivis constituant le logement de la famille.
Enfin, lorsque le débiteur est un entrepreneur individuel, le droit de gage des créanciers a perdu de sa force, le législateur ayant instauré en 2015 un régime d’insaisissabilité de la résidence principale par ses créanciers professionnels[3].
[1] Cass. com., 21 janvier 2003, no 00-13.952
[2] Cass. civ. 1ère, 29 juin 2011, no10-25.098 P
[3] Art. L.526-1 s. C.com dans sa rédaction issue de la loi Macron n°2015-990 du 6 août 2015