Homologation d’un projet de distribution amiable

Jacques-Eric MARTINOT

Cass.Civ., 27 mars 2025, n° 22-20194, n°310 B

Le juge qui refuse d’homologuer le projet de distribution amiable prévoyant le prélèvement d’une somme, non renseignée, au profit d’un créancier qui n’est pas légalement admis à participer à la répartition, n’excède pas ses pouvoirs.

La Cour de cassation a statué qu’un projet de distribution amiable ne peut être homologué par le juge de l’exécution (JEX) s’il prévoit le prélèvement d’une somme non spécifiée au profit d’un créancier non habilité à exercer ses droits sur le prix versé par l’acquéreur, conformément à l’article L. 331-1 du code des procédures civiles d’exécution.

Cette décision découle d’une situation courante : une banque saisit un bien immobilier, mais les propriétaires et le créancier poursuivant décident finalement d’abandonner la saisie judiciaire au profit d’une vente amiable. Après la vente, la banque élabore un projet de distribution du prix versé par l’acquéreur et en sollicite l’homologation auprès du JEX. Cependant, le JEX refuse d’homologuer le projet de distribution amiable du prix de vente, ce qui conduit la banque à former un pourvoi.

La Cour de cassation a apporté une réponse claire et argumentée à cette question en suivant un raisonnement en deux temps.

Tout d’abord, l’arrêt rappelle les limites du pouvoir du juge de l’exécution. Conformément aux articles 6 du code civil et R. 332-6 du code des procédures civiles d’exécution, lorsqu’il est saisi d’une demande d’homologation d’un projet de distribution amiable visant à lui conférer force exécutoire, le juge de l’exécution n’a pas le pouvoir d’examiner le fond du projet de distribution. L’aspect le plus important de cet arrêt réside dans l’affirmation selon laquelle le contrôle du juge est limité lorsqu’il est sollicité pour accorder une telle homologation.

Une fois ce cadre établi, la Cour de cassation précise ensuite les pouvoirs du juge. Il a uniquement le pouvoir de vérifier si le projet respecte l’ordre public. La question déterminante soulevée par cette affaire est donc de savoir si le refus d’homologation est fondé, en l’espèce, sur un motif d’ordre public.

La Cour de cassation justifie sa décision en se basant sur une analyse minutieuse de trois articles du code des procédures civiles d’exécution. Tout d’abord, l’article L. 331-1 énumère les personnes autorisées à revendiquer une part du prix de vente. Ensuite, l’article R. 322-23, alinéa 1er, stipule que le prix de vente de l’immeuble et toutes les sommes versées par l’acquéreur doivent être déposées auprès de la Caisse des dépôts et consignations. Ces fonds sont ensuite distribués aux créanciers participant à la distribution et au débiteur, le cas échéant. Enfin, l’article R. 322-24, alinéa 2, précise que les frais taxés sont versés directement par l’acquéreur en sus du prix de vente.

La Cour de cassation en déduit que, hormis les frais de la vente et les frais taxés, toutes les sommes versées par l’acquéreur doivent être consignées et incluses dans le projet de distribution. Ce projet est élaboré conformément à l’article R. 332-3 du code des procédures civiles d’exécution. Seuls le débiteur et les créanciers dûment autorisés par la loi peuvent participer à ce projet de distribution.

L’arrêt précise ensuite le rôle du juge dans le cadre de ces règles impératives. Lors de toute demande d’homologation d’un projet de distribution, le juge est tenu de vérifier que le projet respecte les dispositions d’ordre public mentionnées ci-dessus. Les parties ne peuvent pas déroger à ces dispositions.

La Cour de cassation précise le rôle du JEX dans cette affaire. Elle indique que le JEX a le pouvoir de refuser d’homologuer un projet de distribution qui prévoit le versement de sommes à certains créanciers chirographaires non admis à participer à la distribution, alors que les autres créanciers chirographaires sont privés de recours contre ce projet. En d’autres termes, l’ordre public exige que seuls les créanciers éligibles à la distribution du prix de vente de l’immeuble soient inclus dans la liste. L’exclusion des créanciers chirographaires de cette liste est donc obligatoire. De plus, la violation de cette règle engendrerait une rupture d’égalité contraire à la finalité de la loi, rupture d’autant plus manifeste que les créanciers chirographaires finalement exclus du projet de distribution ne disposent d’aucun recours pour contester cette situation illicite.

La décision finale dans cette affaire est donc parfaitement justifiée. Le JEX n’excède pas ses pouvoirs en refusant d’homologuer le projet de distribution, car il comporte une somme non spécifiée, dont l’attribution a été décidée au bénéfice d’un créancier non inscrit sur la liste énoncée par l’article L. 331-1 précité et qui n’est donc pas habilité à faire valoir ses droits sur le prix de la vente. Le JEX n’a donc pas outrepassé ses pouvoirs, et le pourvoi est irrecevable.

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