Application dans le temps de la loi PINEL – cas de la garantie cédant cessionnaire

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

SOURCE : CA VERSAILLES, Ch12, 6 novembre 2018, n°17/08004

 

Les dispositions de la LOI n° 2014-626 du 18 juin 2014 dite « Pinel » relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, sont entrées en vigueur, pour la plupart, le 20 juin 2014. Parmi les mesures phares introduites par la Loi Pinel figure l’article L145-16-2 du Code de commerce, aux termes duquel :

 

« Si la cession du bail commercial s’accompagne d’une clause de garantie du cédant au bénéfice du bailleur, celui-ci ne peut l’invoquer que durant trois ans à compter de la cession dudit bail »,

 

Si les premières décisions des juges du fonds s’orientent vers une inapplication de ces dispositions aux garanties en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi[1], la question de l’application immédiate du plafonnement de la durée de la garantie « cédant cessionnaire » aux cessions postérieures de baux toujours « en cours » demeurait entière.

 

La Cour d’appel de VERSAILLES y a récemment répondu par l’affirmative.

 

Le différend s’inscrit dans le cadre de la vente de la division électrique d’ALSTOM à General Electric (GE), au cours de laquelle il a été décidé le 3 aout 2015, pour des motifs affichés de restructuration, l’apport partiel de deux baux, dont celui signé en 2010 avec la SCI Galilée Défense concernant des locaux de 3 hectares à la Défense, à la société ALSTOM SUPPORT FRANCE qui deviendra GE SUPPORT FRANCE.

 

La SCI bailleresse, sans doute inquiétée par la santé financière d’ALSTOM SUPPORT FRANCE dont les capitaux propres étaient au 27 octobre 2015, inférieur à la moitié de son capital social (l’actif net a été reconstitué depuis), avait notamment sollicité du TC de Nanterre qu’il juge que l’apport partiel d’actif lui était inopposable, car frauduleux, position qui ne sera pas partagée par le juge consulaire.

 

Outre la réformation du jugement pour ce motif, le Bailleur concluait devant la 12ème chambre de la Cour d’appel de VERSAILLES, le 27 aout 2018 qu’ALSTOM HOLDINGS devait demeurer solidaire de GE (ALSTOM) SUPPORT France. Cette dernière excipait des dispositions de l’article L145-16-2 du Code de commerce, la demande ayant été introduite plus de trois ans après la cession.

 

Les juges versaillais ont considéré que la garantie « cédant cessionnaire » du bail antérieur à la loi Pinel devait effectivement être régie par les dispositions de l’article L145-16-2 lorsque la cession est postérieure. Elle ajoute que le bailleur, dont la demande était introduite plus de trois ans après la signature et la date d’effet de la cession, n’était plus fondé à solliciter l’application de la clause de solidarité. En d’autres termes, que le cédant n’est plus solidaire, même au titre de défaillances du cessionnaire au cours de la durée triennale suivant la date de la cession.

 

La Cour d’appel semble ainsi considérer, au grand dam des bailleurs, que le délai triennal est une date de déchéance de l’action, et non une simple date d’expiration de garantie, ou plus clairement dit, que le bailleur ne peut solliciter du cédant le 1er jour de la troisième année suivant la cession la garantie de défaillances du cessionnaire intervenues pendant la dernière période triennale. Une confirmation, qu’elle provienne de la juridiction ou de la Cour de cassation serait ainsi la bienvenue.

 

La Cour laisse en revanche en suspens l’interprétation de la réforme quant au point de départ de la durée triennale : la date de signature de la convention, ou celle de sa prise d’effet notamment en cas de rétroactivité comme en l’espèce ?

 

A suivre…

[1] Cf notre article du 16 septembre 2018 « application dans le temps de la loi PI

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