Ne pas confondre cyber harcèlement et infraction de presse

Virginie PERDRIEUX
Virginie PERDRIEUX

 

Source :   TGI PARIS, Ordonnance de référé du 19 juillet 2017, M. X c/ M. Y.

 

La Loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a notamment instauré à l’article 222-33-2-2 une nouvelle infraction relative au harcèlement, sous l’énoncé suivant :

 

«   Le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000,00 € d’amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à 8 jours, ou n’ont entraîné aucune incapacité de travail. »

 

Les faits mentionnés ci-dessus sont punis de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000,00 € d’amende, selon ce même article, lorsqu’ils ont été commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne.

 

Suite à un différend entre un Directeur de publication d’un hebdomadaire et l’un de ses journalistes, ce dernier a décidé de ne plus collaborer au journal et a publié sur son blog 18 articles en 8 mois consacrés à son ancien Directeur de la publication et notamment à ses convictions religieuses supposées, au caractère opaque de ses montages économiques et financiers, ou à ses manquements au Droit du travail.

 

Estimant subir un préjudice de réputation, le Directeur de la publication a saisi le Juge des référés près le Tribunal de Grande Instance de Paris sur le fondement des articles 809 du Code de procédure civile et 122-33-2-2 du Code pénal, aux fins que soit ordonné au journaliste de supprimer sous astreinte dans les 8 jours à compter de la signification de l’Ordonnance les articles lui portant préjudice, ou à tout le moins que ceux-ci soient désindexés de manière à ce qu’ils n’apparaissent plus dans les résultats des moteurs de recherche à partir des mots clefs intégrant le nom du Directeur de la publication et, en tout état de cause, il était demandé la condamnation du journaliste à payer la somme de 5 000,00 € à titre de provision à valoir sur dommages et intérêts.

 

Aux termes de son Ordonnance du 19 juillet 2017, le Juge des référés considère que le fondement juridique de l’assignation du Directeur de la publication est erroné, la finalité réelle de cette procédure prétendument pour harcèlement étant, selon lui, de faire sanctionner des abus de la liberté d’expression, qui ne peuvent l’être qu’au regard des dispositions de la Loi sur les infractions de presse du 29 juillet 1881.

 

En effet, le Juge fait une analyse juridique différente des articles critiqués, qu’il considère s’apparenter plus à un abus de liberté d’expression, et notamment à des actes de diffamation, plutôt qu’à du harcèlement, dès lors qu’il est notamment dressé un portrait sarcastique, très méprisant et peu élogieux du Directeur de la publication, jetant l’opprobre sur celui-ci, l’accusant notamment d’être l’auteur ou le complice de contrefaçon de droit d’auteur et de pratiques douteuses, voire illicites.

 

En conséquence, le Tribunal a estimé n’y avoir lieu à référé, le Directeur de la publication ne pouvant contourner le régime instauré par la Loi du 29 juillet 1881 pour faire sanctionner les écrits publiés sur le blog du journaliste, aussi virulents et désagréables que soient les propos incriminés à son encontre.

 

Par une telle décision, le Juge des référés a entendu rappeler aux justiciables qu’ils ne peuvent contourner les règles strictes de la loi sur la presse, et notamment le délai de prescription très court de 3 mois pour les délits de presse à compter de la publication de l’article litigieux, en se fondant sur d’autres infractions issues du Code pénal.

 

Virginie PERDRIEUX

Vivaldi-Avocats

 

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