Actualité de la rupture brutale de relations commerciales établies.

Laurent Turon
Laurent Turon

Source : Cass. com., 16 décembre 2008, n° 07-15.589, publié au Bulletin

 

Nous revenons une nouvelle fois vers vous à propos de la notion de rupture brutale de relations commerciales établies.

 

Lors d’un précédent article, nous avions rendu compte d’une décision assez surprenante, et, à tout le moins, relativement sévère, de la Cour d’appel de PARIS, laquelle, avait jugé, par un arrêt rendu le 29 mai 2008, que le renouvellement à deux reprises de concessions triennales arrivées à terme n’avait pas créé une relation commerciale établie dès lors que le contrat de concession excluait toute possibilité de reconduction tacite laissant penser que la relation était susceptible de se poursuivre pendant un temps, et qu’il en résultait une probabilité insuffisante des éventuels renouvellements successifs.

 

Dans le cas soumis à l’appréciation de la Cour, un fabricant de matériel bureautique n’avait pas renouvelé le contrat de concession à durée déterminée de trois ans qui le liait à un distributeur, et celui-ci avait soutenu que la relation commerciale avait duré au total neuf ans et que le délai de préavis d’un mois ne lui avait pas ménagé un temps suffisant pour organiser le redéploiement de ses activités.

 

La Cour d’appel de Versailles devait rendre une décision assez similaire le 18 septembre 2008, également commentée dans un autre de nos articles.

 

Après avoir rappelé que les dispositions sanctionnant la rupture brutale de relations commerciales établies s’appliquent même en l’absence de tout formalisme entourant ces relations, la Cour précisait que la preuve de leur caractère stable, suivi et habituel doit néanmoins être rapportée.

 

La Cour estimait que tel n’était pas le cas d’une entreprise qui réalisait des prestations d’électricité pour des magasins d’un distributeur depuis plusieurs années, dès lors que ce distributeur lançait systématiquement un appel d’offres avant chaque ouverture de chantier.

 

Ainsi, le recours à l’appel d’offres priverait les relations commerciales de toute permanence garantie et les placerait dans une situation de précarité ne permettant pas à l’entreprise qui a été plusieurs fois attributaire du marché de considérer que ces relations ont un avenir certain.

 

Il n’y aurait donc pas lieu de rechercher si la rupture des relations avait présenté un caractère brutal.

 

La solution paraissait particulièrement sévère, au regard notamment de la jurisprudence de la chambre commerciale de la Cour de cassation, laquelle, au-delà de la forme, se référait jusqu’à présent à la réalité de la relation commerciale et considérait notamment celle-ci comme établie lorsqu’elle était fondée sur des contrats successifs[1].

 

Or, par un arrêt rendu le 16 décembre 2008, la chambre commerciale de la Cour de cassation a écarté l’existence d’une relation commerciale établie dans le cas de relations contractuelles résultant de contrats indépendants, sans accord-cadre, et sans garantie d’exclusivité ou de chiffre d’affaires.

 

Cette décision, dans le prolongement de celles précitées, marque un réel durcissement dans l’admission de la notion de relations commerciales établies.

 

Il sera d’ailleurs ici ajouté que cet arrêt est normalement destiné à être publié au Rapport de la Cour de cassation.

 

 

Philippe DEFAUX
Avocat

 

[1] Cass. com., 29 janvier 2008, n° 07-12.039 : BRDA 4/08.

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