Liquidation judiciaire clôturée et recours de la caution contre le cofidéjusseur

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

Source : Cass. com., 5 mai 2021, n° 20-14.672, P

 

I – Les faits

 

Une banque a consenti des prêts à une SCI, pour lesquels se sont rendus cautions deux personnes physiques, ainsi qu’une société de garanties et cautions . Les 14 décembre 2010 et 17 janvier 2012, la liquidation judiciaire qui avait été prononcée à l’égard de la société le 26 octobre 2010, a été étendue à l’une des cautions, puis à la SCI.

 

Après l’admission au passif de la liquidation des créances de la banque, la société de garanties et cautions a réglé à cette dernière la totalité des sommes dues. Après la clôture pour insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire étendue, la société de garanties et cautions a déposé une requête auprès du président du tribunal de la procédure pour obtenir un titre exécutoire contre la caution liquidée, en application de l’article L. 643-11, II, du code de commerce, qui autorise la caution qui a payé à la place du débiteur principal à le poursuivre, malgré la clôture de la liquidation judiciaire de celui-ci pour insuffisance d’actif.

 

La cour d’appel déclare la demande irrecevable en relevant que, faute de rapporter une confusion des patrimoines entre la SCI et la caution, ce dernier ne peut être considéré comme un débiteur au sens de l’article L. 643-11 du Code de commerce,

 

II – Le pourvoi

 

La société de garanties et cautions forme un pourvoi en cassation contre cette décision. Le moyen unique soutient que la caution qui a payé la dette est subrogée dans tous les droits qu’a le créancier contre le débiteur. Or, le caractère accessoire du cautionnement implique que la notion de débiteur, au sens de l’article L. 643-11 précité, s’entende également de la caution du débiteur principal.

 

La Cour de cassation rejette l’argument et donc le pourvoi. Elle relève que ledit article L. 643-11, lequel autorise les coobligés et personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie à poursuivre le débiteur après la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif, s’ils ont payé à la place de celui-ci, ne permet pas à la caution qui a acquitté la dette principale d’exercer dans les conditions prévues par ce texte un recours contre un cofidéjusseur, en application de l’article 2310 du code civil, à moins que le patrimoine de celui-ci soit confondu avec celui du débiteur principal, ce qui n’est pas le cas.

 

L’article L. 643-11, II précité, qui autorise la caution qui a payé à la place du débiteur principal à le poursuivre, malgré la clôture de la liquidation judiciaire de celui-ci pour insuffisance d’actif, ne distingue pas selon que ce paiement est antérieur ou postérieur à l’ouverture de la procédure collective, ni suivant la nature, subrogatoire ou personnelle, du recours exercé par la caution[1].

 

Encore faut-il être en présence d’un débiteur, et non d’un cofidéjusseur comme au cas présent. La cour d’appel avait retenu effectivement que la société caution n’apportait pas la preuve de la confusion des patrimoines de la caution et de la SCI débitrice principale. Le seul fait que le patrimoine de la caution et celui de la société débitrice principale soient concernés par une même procédure collective ne suffit pas à démontrer la confusion des patrimoines.

 

En cas de défaillance du débiteur principal, le cofidéjusseur doit assumer à titre définitif une fraction de la dette. Dès lors, la faveur conférée par l’article L. 643-11, II du Code de commerce ne saurait lui être étendue.

 

Le recours contre le débiteur exercé par les cautions personnes morales, qui sont souvent des filiales de la banque créancière, fait l’objet de critiques de la part de la Cour de cassation depuis 2016, suggérant au Législateur de réserver le bénéfice de l’article L. 643-11, II du Code de commerce aux seules cautions personnes physiques, arguant que l’exercice de ce recours par des cautions filiales de la banque créancière permettrait en réalité au créancier de contourner la règle de l’interdiction de la reprise des poursuites individuelles contre le débiteur. Cette question est d’ailleurs actuellement débattue, dans le cadre de la préparation de la future ordonnance réformant le droit des sûretés.

 

[1] Cass. com., 28 juin 2016, n° 14-21.810

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