Attention à la requalification des périodes d’astreinte en temps de travail effectif

Pierre FENIE

Si pendant les périodes d’astreintes, le salarié soumis à des contraintes d’une intensité telle qu’elles affectent objectivement et significativement sa faculté de gérer des périodes où il n’est pas sollicité et de vaquer à ses occupations personnelles, alors ces périodes sont considérées comme du travail de travail effectif.

Le code du travail définit la période d’astreinte comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise[1].

Pour rappel, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles[2].

La différence entre la période d’astreinte et le temps de travail effectif réside pour le salarié d’être, ou non, à la disposition de l’employeur et pouvoir vaquer à ses occupations.

Si la durée de l’intervention est considérée comme un temps de travail effectif, en revanche la période d’astreinte n’est pas du temps de travail effectif mais fait l’objet d’une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos.

Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut mettre en place les astreintes. Cette convention ou cet accord fixe le mode d’organisation des astreintes, les modalités d’information et les délais de prévenance des salariés concernés ainsi que la compensation sous forme financière ou sous forme de repos à laquelle elles donnent lieu[3].

Dans l’arrêt du 14 mai 2025, un salarié engagé en qualité de cuisinier au sein d’un hôtel était amené à intervenir régulièrement pendant les périodes d’astreinte. Durant ces périodes, son numéro de téléphone figurait sur la borne automatique de l’hôtel à disposition des clients de l’hôtel 24 heures sur 24, de sorte que les clients pouvaient s’adresser au salarié de permanence. Le salarié démontrait qu’il était régulièrement sollicité compte tenu de la vétusté des lieux et du matériel de l’hôtel.

Dans sa décision, la Cour de cassation rappelle les critères dégagés par la Cour de justice de l’Union européenne qui énonce que l’intégralité des périodes de garde, y compris celles sous régime d’astreinte, au cours desquelles les contraintes imposées au travailleur sont d’une nature telle qu’elles affectent objectivement et très significativement la faculté, pour ce dernier, de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts. Inversement, lorsque les contraintes imposées au travailleur au cours d’une période de garde déterminée n’atteignent pas un tel degré d’intensité et lui permettent de gérer son temps et de se consacrer à ses propres intérêts sans contraintes majeures, seul le temps lié à la prestation de travail qui est, le cas échéant, effectivement réalisée au cours d’une telle période constitue du « temps de travail », aux fins de l’application de la directive 2003/88[4].

En l’espèce, les contraintes étaient d’une telle intensité qu’elles avaient affecté, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels n’étaient pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles.

Dans ces conditions, en étant à la disposition permanente de son employeur, le salarié était parfaitement fondé à réclamer un rappel de salaire considérant que ces périodes étaient du temps de travail effectif.

Source : Cour de cassation, chambre sociale, 14 mai 2025, n° 24-14.319


[1] C. trav., art. L. 3121-9

[2] C. trav., art. L. 3121-1

[3] C. trav., art. L. 3121-11

[4] CJUE, 9 mars 2021, D.J. c/ Radiotelevizija Slovenija, C-344/19, points 37 et 38

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