CCMI et garant

Kathia BEULQUE
Kathia BEULQUE - Avocat associée

Source : Cass.3ème Civ.,  1er octobre 2020, n°18-24.050

 

Le garant peut appliquer une franchise à un dépassement du prix convenu mais pas à un supplément de prix

 

C’est ce que précise la Troisième Chambre Civile de le Cour de Cassation, dans cette décision destinée à une large publication, puisque FS-P+B+I, comme suit :

 

« …

 

Faits et procédure

 

1.  Selon l’arrêt attaqué (Paris, 2 février 2018), M. et Mme B. ont conclu avec la société Maisons Dauphiné Savoie, devenue société Primalp (la société Primalp), un contrat de construction de maison individuelle.

 

2.  La Caisse de garantie immobilière (la CGI Bat) a accordé une garantie de livraison.

 

3.  Se plaignant de retards et de désordres, M. et Mme B. ont assigné la société Primalp et la société CGI Bat en indemnisation de leurs préjudices.

 

Examen des moyens

 

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, le deuxième moyen et le cinquième moyen du pourvoi principal, et sur le premier moyen du pourvoi incident de la CGI Bat et du pourvoi incident de la société Primalp, ci-après annexés

 

4.  En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

 

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses deux premières branches

 

(…)

 

Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal et le troisième moyen du pourvoi incident de la société Primalp, réunis

 

20.  M. et Mme B. et la société Primalp font grief à l’arrêt de condamner la CGI Bat à payer aux maîtres de l’ouvrage les sommes de 5 964,50 euros au titre de nouvelles réserves et de 37 124,60 euros au titre des suppléments de prix sous réserve pour la CGI Bat d’opposer sa franchise d’un montant de 17 285 euros, alors :

 

« 1/ que l’assureur doit payer intégralement le supplément de prix imputable au constructeur ; qu’en appliquant une franchise de 17 825 euros à la garantie due par la CGI Bat, alors que le constructeur avait été condamné à verser aux époux B., outre la somme de 5 964,50 euros au titre de nouvelles réserves, la somme de 37 124,60 euros au titre « des suppléments de prix » auxquels aucune franchise ne pouvait être appliquée, la cour d’appel a violé l’article L. 231-6 du code de la construction et de l’habitation ;

 

2/ qu’en toute hypothèse, le garant ne peut opposer à l’assuré une franchise que pour dépassement du prix convenu, constitué par la différence entre le coût total réel de la construction et le prix global stipulé au contrat ; qu’en se bornant à retenir qu’il « y a(vait) lieu de confirmer le jugement attaqué qui a(vait) fixé à 17 285 euros (5 % de 345 700 euros) le montant de la franchise opposable conformément aux dispositions de l’article L. 213-6 du code de la construction et de l’habitation »), sans rechercher si le coût réel des travaux avait dépassé le prix convenu, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 231-6 du code de la construction et de l’habitation. »

 

Réponse de la Cour

 

Vu l’article L. 231-6 du code de la construction et de l’habitation :

 

21.  Aux termes de ce texte, en cas de défaillance du constructeur, le garant prend à sa charge : a) Le coût des dépassements du prix convenu dès lors qu’ils sont nécessaires à l’achèvement de la construction, la garantie apportée à ce titre pouvant être assortie d’une franchise n’excédant pas 5 % du prix convenu ; b) Les conséquences du fait du constructeur ayant abouti à un paiement anticipé ou à un supplément de prix.

 

22.  Il en résulte qu’une franchise peut être stipulée s’agissant du dépassement du prix convenu, et non s’agissant du supplément de prix.

 

23.  La cour d’appel a fait application de la franchise s’agissant de travaux non prévus et non chiffrés dans la notice descriptive et donnant donc lieu à des suppléments de prix.

 

24.  En statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

 

Portée et conséquences de la cassation

 

25.  Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

 

26.  La cassation prononcée n’implique pas, en effet, qu’il soit à nouveau statué sur le fond.

 

PAR CES MOTIFS, la Cour :

 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il fait application de la franchise à hauteur de 17 285 euros, l’arrêt rendu le 2 février 2018 par la cour d’appel de Paris ;

 

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

 

Dit n’y avoir lieu à l’application de la franchise ;… »

 

La Cour de Cassation fait ainsi une application stricte de l’article L.231-6 du CCH en considérant qu’une franchise ne peut être appliquée s’agissant de travaux non prévus et non chiffrés dans la notice descriptive et donnant donc lieu à supplément de prix.

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