Travailleurs transfrontaliers français et indemnité de rupture du contrat de travail : le régime fiscal de la somme perçue est déterminé au regard du droit social français

Caroline DEVE
Caroline DEVE - Avocat

 

 

Source : CE, 6/06/2016, n°399990, publié au recueil Lebon

 

Par principe une indemnité perçue par un salarié à l’occasion de la rupture de son contrat de travail est une rémunération imposable.

 

Ce principe est néanmoins tempéré par l’existence d’exonérations totales ou partielles.

 

Le bénéfice d’une exonération totale dépend des circonstances de la rupture du contrat.

 

Aux termes de l’article 80 duodecies du CGI, sont ainsi exonérés sans limitations de montant les indemnités suivantes :

 

Indemnités accordées par les juridictions qui sanctionnent le défaut de respect de la procédure de licenciement ou le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

 

Indemnités versées à raison du licenciement ou du départ volontaire quelque soit sa forme (démission, départ en retraite ou pré retraite) intervenant dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi.

 

En l’espèce, le contribuable travaillait en Allemagne en qualité de salarié transfrontalier c’est-à-dire que les revenus de son activité professionnelle exercée dans cet Etat étaient imposables en France.

 

Il a signé avec son employeur un accord en vue de la rupture de son contrat de travail et a perçu à cette occasion une somme qu’il a considéré comme totalement exonérée car il estimait avoir fait l’objet d’un plan de départ assimilable à un plan de sauvegarde en France.

 

Cette position a été contestée par l’administration fiscale qui a été soutenue par les juridictions administratives.

 

Le Conseil d’Etat annule l’arrêt de la cour administrative d’appel en jugeant « qu’il appartient au juge de l’impôt, saisi d’un litige portant sur le traitement fiscal de l’indemnité perçue par un salarié ayant exercé une activité salariée dans un Etat membre de l’Union européenne à la suite de mesures prises par l’entreprise ayant conduit à une réduction des effectifs par des départs volontaires ou des licenciements, d’identifier, au vu des éléments qui lui sont fournis par le contribuable, la catégorie de rupture de contrat de travail à laquelle les mesures prises par cette entreprise sont assimilables en droit français. Il lui revient ensuite, compte tenu de ces constatations, de déterminer le régime applicable à l’indemnité versée par l’entreprise étrangère au regard de la loi fiscale française ».

 

En d’autres termes, les juridictions du fond doivent apprécier les circonstances de la rupture du contrat afin de déterminer le régime fiscal applicable comme si la rupture avait eu lieu France.

 

Le Conseil d’Etat veut ainsi éviter une différence de traitement entre les travailleurs français selon le lieu de travail (en France ou dans un autre Etat membre sous le régime du travailleur transfrontalier).

 

Il importe peu que l’employeur n’ait pas suivi les procédures qu’un employeur français aurait dû suivre comme élaborer un plan de reclassement interne ou externe. Il n’y était pas contraint puisque le contrat n’est par définition pas soumis au droit français.

 

Ce qui doit être pris en compte sont bien les circonstances de la rupture et les conséquences juridiques qu’elles auraient eu en France.

 

En réglant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat s’est penché sur les éléments de faits figurant au dossier : il relève que la société a réduit ses effectifs « dans un contexte de réduction de sa masse salariale et afin de renforcer sa compétitivité », que la rupture est à l’initiative de l’employeur et qu’il était expressément précisé dans la convention que l’indemnité perçue « compense les inconvénients liés à la perte d’emploi ».

 

Tous ces éléments permettent au Conseil d’Etat de juger que l’indemnité perçue par le contribuable « devait être assimilée à une indemnité de départ volontaire dans le cadre d’un plan social qui aurait fait en France l’objet d’un plan de sauvegarde de l’emploi » qui est en France totalement exonérée d’impôt sur le revenu.

 

Caroline DEVE

Vivaldi-Avocats

 

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