SOURCE : Cass 1ère civ. 14/01/2016, n° 14-28034 (Inédit)
I – Le principe (rappelé)
L’arrêt est inédit, mais la règle qu’il rappelle mérite d’être à nouveau citée à la revue Chronos :
« Attendu (…) que l’arrêt, après avoir souverainement estimé que le prêt était destiné à financer une activité professionnelle consistant à procurer à titre habituel, des immeubles ou fractions d’immeubles en jouissance, énonce à bon droit que le fait que les parties aient pu soumettre volontairement l’opération aux dispositions des articles L 312-1 et suivants du Code de la Consommation, est sans incidence sur la compétence territoriale, dès lors que la seule qualité de consommateur dont ne bénéficie pas Monsieur X permet l’application de l’article l 141-5 de ce même Code (…). »
Rappelons à toutes fins que le consommateur est défini comme la personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale[1].
De la combinaison de cette définition avec la jurisprudence commentée, on en déduira qu’un professionnel n’est pas un consommateur et qu’il ne peut acquérir cette qualité par la simple souscription volontaire aux opérations de crédit immobilier telles que posées par la Code de la Consommation.
La Cour de Cassation en tire comme conséquence au présent litige que le professionnel, à la différence du consommateur, ne peut saisir à son choix, outre l’une des juridictions territorialement compétentes en vertu du Code de Procédure Civile, la juridiction du lieu où il demeurait au moment de la conclusion du contrat ou de la survenance du fait dommageable.[2]
II – Intérêt de la soumission volontaire
Cet arrêt ne peut conduire à soutenir que les autres dispositions du Code de la Consommation auxquelles les parties ont entendu se référer, ne s’appliquent pas.
Ainsi, il a été jugé[3] que les parties ont entendu soumettre le contrat aux dispositions relatives au démarchage contenu dans le Code de la Consommation, toutes les règles d’ordre public s’appliquent à ce même contrat, même si normalement les parties ne relèvent pas de l’application du Code de la Consommation.
Cette décision d’une juridiction de second degré s’inscrit dans la droite ligne de la position adoptée par la Cour de Cassation en 1997[4] qui admet une extension conventionnelle de l’application de la loi des opérations de crédit qui en sont normalement exclues. Cette soumission volontaire à la loi de protection des consommateurs doit cependant être exprimée par une manifestation non équivoque de volonté appréciée souverainement par le Juge du fond[5], elle emporte alors l’application de toutes les dispositions de la loi avec leur caractère impératif.
L’arrêt ci-avant commenté en fixe cependant les limites, notamment en matière de compétence territoriale. On en identifiera assez facilement une autre liée à l’incapacité de l’emprunteur professionnel de se placer sous une situation de surendettement prévue par le Code de la Consommation. Seule la procédure collective posée par les dispositions du Livre VI du Code de Commerce pourra être utilisée.
On peut également ajouter que les manquements du prêteur aux exigences légales relatives aux offres préalables sont susceptibles d’une sanction civile. Doit cependant être exclue, par essence, toute sanction pénale, d’amende. Enfin, l’attention des rédacteurs d’actes est attirée sur le fait qu’il est préférable de ne pas faire une référence générale au Code de la Consommation, mais de limiter le champ d’intrusion du Code de la Consommation dans la relation entre un prêteur de deniers et un professionnel, de manière à éviter tout ce type de débat.
Eric DELFLY
VIVALDI-Avocats
[1] Article préliminaire du Code de la Consommation
[2] Code de la Consommation, art. L 141-5
[3] CA BESANCON, com. 28/01/2013, Jurisdata n° 2013-018064
[4] Cass 1e civ. 09/12/1997, bul n° 364
[5] Cass 1e civ. 06/06/2000, n° 98-14552